Métrique en Ligne
HAR_2/HAR110
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
L’AUBE
LE VENT
À MADAME A. L.
PRINTEMPS
Entendez-vous le Vent qui jase 8
Et qui s’arrête à chaque phrase 8
Pour voir, aux fenêtres qu’il rase, 8
Des secrets qu’un voile de gaze 8
5 Voudrait cacher au Vent qui jase ? 8
Si j’étais le Vent, j’irais tous les soirs, 10
Frôleur indiscret, frôler les boudoirs : 10
J’irais, secouant les frais rideaux roses, 10
Voir ce qu’on ne voit qu’en les soulevant ; 10
10 J’aimerais à voir de joyeuses choses, 10
Si j’étais le Vent… 5
ÉTÉ
Entendez-vous le Vent qui chante ? 8
Son haleine tiède et léchante 8
Me parle d’un ciel qui m’enchante, 8
15 D’un monde où, superbe et méchante, 8
Flore se berce au Vent qui chante. 8
Si j’étais le Vent, je voyagerais 10
Au pays que Dieu bénit de plus près, 10
Aux villes d’Asie, aux îles de Grèce. 10
20 J’irais m’embaumer aux fleurs du Levant : 10
Mon souffle serait comme une caresse, 10
Si j’étais le Vent… 5
AUTOMNE
Entendez-vous le Vent qui gronde ? 8
Roulant sa voix rauque et profonde, 8
25 On dirait qu’il apporte au monde 8
La plainte de ceux qui sur l’onde 8
Ont crié dans le Vent qui gronde. 8
Si j’étais le Vent, j’irais sur les flots 10
Écouter d’où vient le bruit des sanglots : 10
30 J’irais vous aider, voiles solitaires 10
Des marins perdus au désert mouvant ! 10
Tous les naufragés reverraient leurs terres, 10
Si j’étais le Vent… 5
HIVER
Entendez-vous le Vent qui pleure ? 8
35 Il nous dit que rien ne demeure, 8
Que toute espérance nous leurre, 8
Et qu’il faut qu’on passe et qu’on meure 8
Comme passe le Vent qui pleure. 8
Si j’étais le Vent, j’irais chaque nuit 10
40 Rêver et pleurer dans la nuit sans bruit : 10
J’irais m’égarer dans les cimetières, 10
Et dernier écho du monde vivant, 10
Chanter pour les morts des chants de prières, 10
Si j’étais le Vent… 5
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