Métrique en Ligne
HAR_2/HAR107
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
L’AUBE
ROMANCE
C’est une puissance inconnue 8
Qui nous a perdus sous les bois : 8
Ma main brûlait dans sa main nue 8
Et mes doigts tremblaient dans ses doigts. 8
5 Le vent sautait de branche en branche, 8
Soupirant des vœux sans aveux, 8
Et pour baiser sa nuque blanche 8
Parfois soulevait ses cheveux. 8
Il me les jetait comme un voile 8
10 De parfums tièdes et d’ors roux ; 8
Il gonflait sa robe de toile, 8
Et la plaquait sur mes genoux. 8
Mon front roulait dans les vertiges ; 8
Le bois chantait, profond et noir : 8
15 Les fleurs, en jasant sur leurs tiges, 8
Se bousculaient pour nous mieux voir… 8
Elle cueillit à son corsage 8
Une rose qu’elle m’offrit : 8
— « Je t’aime… — Je meurs. — Soyez sage, 8
20 « On parle ! — C’est le vent qui rit. 8
— « Vous m’oublierez. — Tes mains sont douces ! 8
— « Je suis bien lasse. — Je suis las… » 8
Oh ! la complicité des mousses 8
Et la traîtrise des lilas ! 8
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