Métrique en Ligne
HAR_1/HAR24
Edmond HARAUCOURT
La Légende des Sexes
Poëmes Hystériques
1882
La légende des sexes
MÉLANCHOLIE BLENNORHAGIQUE
Petit anneau de chair ; petite fente laide ; 12
Petit sphicter païen ; 6
Petit coin toujours moite empoisonné d'air tiède ; 12
Petit trou ; petit rien ! 6
5 Es-tu laid quand tu ris de ta lèvre lippue, 12
Es-tu laid quand tu dors ! 6
Laid, toi que Dieu cacha dans cet angle qui pue, 12
Près des égoûts du corps ! 6
Ah, tu peux pourlécher ta babine rosée, 12
10 Vilain monstre d'orgueil ! 6
Tu peux, ouvrant ta gueule à crinière frisée, 12
Bâiller comme un cercueil ! 6
Ventouse venimeuse, insatiable gouffre 12
Si funeste et si cher : 6
15 Je veux te mépriser, toi par qui pleure et souffre 12
Le meilleur de ma chair. 6
Je veux te détester à toujours, chose infâme, 12
Toi qui rends mal pour bien : 6
Petit néant creusé dans le bas de la femme, 12
20 Petit trou, petit rien ! 6
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Et dire que c'est là que Satan met son trône 12
Et l'homme son honneur ! 6
Là que la poésie a placé ta couronne, 12
Éros, Dieu du bonheur ! 6
25 Et dire que c'est là que l'idéal du rêve 12
Vient toujours aboutir : 6
Là que meurt, — agonie ineffable et trop brève, — 12
L'amour vierge et martyr ! 6
Que c'est, quand nous naissons, par cette plaie immonde 12
30 Que le jour nous sourit ; 6
Et par elle, quand Dieu voulut sauver le monde, 12
Qu'entra le Saint-Esprit ! 6
Dire que c'est par là que Junon perdit Troie, 12
Qui Ninive croula ; 6
35 Dire que tout, espoir, force, courage et joie 12
Nous vient de ce trou-là ! 6
Et qu'il est le chemin du Ciel, la grande porte 12
Qu'Ève ouvrit d'un recul : 6
Et dire qu'une femme, et vieille et laide, porte 12
40 L'Infini sous son cul ! 6
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