Métrique en Ligne
GRS_1/GRS30
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
COUCHER DE SOLEIL
Salut, grand détrôné ! Salut, splendeur éteinte 12
Que je vois, par degrés, au couchant s'effacer ! 12
De la fatigue, ainsi que nous, sens-tu l'atteinte, 12
Qu'il te faille aussi t'affaisser ? 8
5 Que j'aimais à te voir, dans, mon adolescence, 12
Lentement t'engloutir dans un océan d'or ! 12
Tu me semblais un roi rayonnant de puissance, 12
Et qui dans sa pourpre s'endort ! 8
Ah ! bien souvent, les yeux baignés dans ta lumière, 12
10 Songeant à l'avenir, comme aux jours révolus, 12
J'ai suivi jusqu'au bout ta sublime carrière… 12
Maintenant, je ne le puis plus ! 8
Oui ! ton grand disque mort, à la face ternie, 12
Dans ce rouge, là-bas, penché sur l'horizon, 12
15 Me semble un corps livide, un être à l'agonie, 12
Couché sur le sanglant gazon ! 8
Ce splendide rideau de pourpre immaculée 12
Dont tu voiles ta face à l'heure du sommeil, 12
Me semble un flot de sang qui coule de la plaie 12
20 En flaques d'un hideux vermeil ! 8
Ces nuages dorés qui flottent dans l'espace, 12
Et que ta flamme peint d'un rouge éblouissant, 12
Sont comme les lambeaux du blessé qui trépasse, 12
Quand ils pendent, mouillés de sang ! 8
25 Non ! tu ne me dis plus qu'agonie et souffrance ; 12
Ta prunelle fixe a quelque chose d'humain ; 12
Et ton grand corps sanglant me rappelle la France 12
Saignant sous le pied du Germain ! 8
Aussi, je n'aime plus ta face rouge et nue ! 12
30 J'ai bien assez de maux réels, 'autour de moi, 12
Sans aller, à propos de ces morts dans la nue, 12
Frissonner d'un lugubre émoi ! 8
Et pourtant, au matin ; reprenant ta carrière, 12
Tu surgiras, vermeil, au regard ébloui. 12
35 Et tu ranimeras dé ta jeune lumière 12
Le monde, à tes feux réjoui ! 8
Ah ! laisse-moi penser que ma patrie aimée 12
Du fond de son néant comme toi renaîtra. 12
Que, par un court repos, sa splendeur ranimée 12
40 Sur le monde encor brillera !… 8
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