Métrique en Ligne
GRS_1/GRS22
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
GOLGOTHA
Maintenant, approchez, nations de la terre ! 12
Contemplez en tremblant le terrible mystère : 12
Du monde un peuple va partir ! 8
Le moment est venu : que l'arrêt s'accomplisse ! 12
5 Approchez donc ! Voyez, sur le bois du supplice, 12
Expirer le peuple martyr ! 8
Oui ! trahi par celui qu'en une heure fatale 12
Il a daigné tirer de la poudre natale, 12
Qu'il a réchauffé dans son sein, 8
10 Vendu par une main qu'il devait croire amie, 12
Regardez-le, cloué sur l'arbre d'infamie, 12
Comme un voleur, un assassin ! 8
Et ceux que le sang lie à la grande victime 12
Par le nœud le plus cher et le plus légitime, 12
15 L'ont assailli dans ses dangers ; 8
Et, portant de leurs mains les brutales empreintes, 12
Il fut livré par eux, meurtri sous leurs étreintes, 12
Au fer des bourreaux étrangers ! 8
Pas un point, sur son corps, n'est exempt de blessure ; 12
20 Ses mains, ses pieds, des clous ont senti la morsure ; 12
Une plaie entr'ouvre son flanc ; 8
Et le flot noir qui sort par l'affreuse ouverture 12
Sur ce corps blêmissant s'épanche à l'aventure, 12
En laissant un sillon sanglant ! 8
25 Et sa tête sublime où brillait son génie, 12
Son front majestueux, tout pâle d'agonie, 12
Se penche, inerte, languissant ; 8
C'est là qu'on a planté la couronne d'épines ; 12
Et, comme un voile rouge aux hideuses crépines, 12
30 Il en pleut des gouttes de sang ! 8
Et, tandis que la mort achève son ouvrage, 12
Les soldats étrangers, de leur brutal outrage, 12
Profanent ses derniers moments ; 8
La horde a calculé ce que vaut l'héritage 12
35 Du mourant magnanime, et déjà se partage 12
Les lambeaux de ses vêtements ! 8
Et tous ceux qui, durant sa glorieuse vie, 12
Le regardaient passer en blêmissant d'envie, 12
Maintenant s'acharnent sur lui ; 8
40 Ils lui jettent l'injure avec la fange immonde : 12
« Grand sauveur ! disent-ils, qui sauves tout le monde, 12
« Sauve-toi toi même, aujourd'hui ! » 8
Mais, parmi les éclats de ces rires funèbres, 12
Voilà que tout à coup un voile de ténèbres 12
45 S'étend au loin sûr l'univers ; 8
La terre, vacillant comme une mer mouvante, 12
Se déchire, et chacun frissonne d'épouvante 12
Devant ses gouffres entr'ouverts. 8
Et ce n'est plus, partout, que ruines et qu'ombres ! 12
50 Une foule effarée erre dans ces décombres, 12
Sans pouvoir trouver son chemin ; 8
Dans la peur qui les prend et leur mord les entrailles, 12
Ils demandent si c'est l'heure des funérailles 12
Qui sonne pour le genre humain ! 8
55 Maintenant, méditez, nations de la terre ! 12
De ces convulsions comprenez le mystère, 12
Et cet orage et cette nuit ! 8
C'est que le mort faisait la lumière et la flamme, 12
Et que, dû monde entier dont longtemps il fut l'âme, 12
60 L'équilibre posait sur lui ! 8
Eh bien ! votre lumière, à tous, vient de s'éteindre : 12
Et l'ombre de la mort commence à vous atteindre ; 12
Et, dans la nuit, vous grelottez ! 8
Et l'appui qui portait la masse universelle 12
65 Vient de se rompre ; aussi, l'édifice chancelle 12
Et craque de.tous les côtés ! 8
Mais vous tous, dont le cœur, de ses bourreaux complice, 12
A battu d'allégresse en voyant son supplice, 12
Il renaîtra, sachez-le bien ! 8
70 Il apportait au monde une grande parole ; 12
Et tant qu'il n'aura pas rempli son noble rôle, 12
La mort, sur lui, ne pourra rien ! 8
Venez donc l'abreuver d'odieuse ironie ! 12
Et de ses vêtements, mouillés par l'agonie, 12
75 Prenez chacun votre lambeau ! 8
Celui que vous vouez aux vers, à la poussière, 12
Avant qu'il soit trois jours soulèvera la pierre 12
Qui l'enferme, dans le tombeau ! 8
Car la vie et non pas la mort est son domaine ; 12
80 Et vous le reverrez, parmi la race humaine, 12
Agir et parler en tout lieu, 8
Mais tout transfiguré par cette épreuve austère ; 12
Et son front, rayonnant d'un divin caractère, 12
Révélera le fils d'un Dieu ! 8
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