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GRI_1/GRI5
corpus Pamela Puntel
Émile GRIMAUD
REVUE DE BRETAGNE ET DE VENDÉE
QUATORZIÈME ANNÉE
TROISIÈME SÉRIE — TOME VIII
1870
Décembre 1870
LES DEUX ÉPÉES
Paris est submergé par les vagues de l'ombre ; 12
Sur son front endormi les étoiles sans nombre 12
Agitent leurs traits d'or dans les cieux clairs et froids ; 12
Un vent âpre poursuit sa plainte monotone, 12
5 Et nul bruit ne s'y joint, que le canon qui tonne, 12
Ou l'heure vibrant aux beffrois. 8
Drapés dans des manteaux que soulève la bise, 12
Deux soldats ont ouvert la porte d'une église ; 12
Dés le seuil même ils sont frappés d'un saint respect : 12
10 Ils sortent de la nuit, du silence des tombes ; 12
Les voilà transportés au temps des catacombes… 12
Pour eux quel saisissant aspect ! 8
Dans le champ de la nef tout est sombre et sans formes ; 12
Les piliers vaguement dressent leurs fûts énormes ; 12
15 C'est d'un bois, à minuit, l'épaisse obscurité ; 12
Mais là-bas leur regard, mais leur âme ravie 12
S'élance : au fond du cœur tout est splendeur et vie, 12
Humaine et mystique clarté. 8
Parmi les fleurs de neige et les rayons des cierges, 12
20 La Mère de Jésus, la Vierge entre les vierges, 12
Est debout et sourit en son chaste maintien. 12
Broyant de ses pieds nus le tentateur immonde, 12
Elle abaisse ses yeux, que la douceur inonde, 12
Vers la terre, vers le chrétien. 8
25 — Recours des affligés, ô clémente Marie, 12
Vous qu'une humble oraison a toujours attendrie, 12
De vos deux serviteurs, prosternés à genoux, 12
Ah ! secondez les vœux et la vive prière ; 12
Ils vous disent : « Pendant la lutte meurtrière, 12
30 » Reine du ciel, protégez-nous ! » 8
Pourriez-vous les entendre avec indifférence ? 12
Si vous régnez aux cieux, vous régnez sur la France ; 12
Nous vous avons voué d'innombrables autels… 12
Notre vaisseau se tord sous les flots, sous l'orage : 12
35 L'abandonnerez-vous en proie à tant de rage ? 12
Ces coups sont-ils des coups mortels ? 8
Étoile de la mer, le péril est extrême ! 12
Le jour luira bientôt… c'est notre jour suprême ! 12
Que nous apporte-t-il : le triomphe ou l'écueil ? 12
40 Du haut de nos destins nous fera-t-il descendre ? 12
No va-t-il subsister de nous qu'un peu de cendre, 12
Qu'un souvenir dans un cercueil ? 8
Nous avons irrité le doux Sauveur des hommes ; 12
Intercédez pour nous, fils des Francs, nous qui sommes, 12
45 Nous qui voulons rester de Dieu les vrais soldats, 12
Et poursuivre jamais notre rôle sublime : 12
Il est temps ! nous roulons au plus bas de l'abîme ; 12
A vos enfants tendez les bras ! 8
Vous qui par Jeanne d'Arc avez sauvé la France, 12
50 Devant ces deux guerriers, notre unique espérance, 12
Mendiants à vos pieds courbant leurs fronts soumis, 12
Gémissant et pleurant des pleurs expiatoires, 12
Envoyez saint Michel, ô Dame-des-Victoires, 12
Et c'en est fait des ennemis ! 8
55 Trochu ! Ducrot ! voilà des mains, des âmes pures : 12
Par eux, Mère, fermez nos horribles blessures ; 12
Du sang de votre Fils voyez-les se nourrir. 12
A leur fourreau le prêtre a rendu les épées, 12
De divines vertus abondamment trempées… 12
60 — Allez, héros, vaincre ou mourir ! 8
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