Métrique en Ligne
GLA_1/GLA7
Albert GLATIGNY
Le Fer rouge
1870
VII
Ô France claire et gaie, amante au fier visage ! 12
Toi qu'enivre, au milieu d'un riant paysage, 12
La chanson de Ronsard et de Victor Hugo, 12
Toi qui jettes aux cœurs un charmant quos ego ! 12
5 Belle fille qui fuis, moqueuse, vers les saules, 12
Regarde… un tas de gueux, d'épouvantables drôles, 12
Taillés à coups de serpe, et s'échappant du bois 12
Où les dégrossissaient les horlogers badois, 12
Pense déjà sentir sous sa lèvre lippue 12
10 Frémir ta lèvre en fleur ! Cette race qui pue 12
L'usure et le vieux cuir, cet amas de croupiers, 12
Se masturbe en hurlant de luxure à tes pieds. 12
Leurs groins ont flairé les essences de roses 12
Que dégage ton corps. Ce sont de douces choses 12
15 Que cherche à te grogner leur patois allemand. 12
Vois-tu leurs madrigaux s'épater lourdement, 12
Et tomber les paquets de leurs grâces tudesques ? 12
Leur valse aux pieds pesants décrit des arabesques 12
Qui font songer parfois à des guirlandes d'ours. 12
20 Est-ce que tu pourrais accepter ces pandours, 12
Chère France ? Ton rire est ta seule réponse, 12
À peine ton sourcil légèrement se fronce 12
Devant ce ramassis de juifs et de laquais. 12
Quoi ! Ces barons bouffons, ces ducs que tu plaquais 12
25 Gaîment au premier plan de tes opéras bouffes, 12
Comme un tas de pourceaux échappés dans les touffes 12
De roses d'un jardin, se vautreraient sur toi ! 12
Est-ce que c'est possible ? Est-ce que cette loi 12
Inéluctable qui fait luire sur le monde 12
30 Ta tête de faunesse, aventureuse et blonde, 12
Permettrait cet ignoble et sale accouplement ? 12
Allons donc ! Si jamais un butor allemand 12
T'approchait, ô Judith ! Souviens-toi d'Holopherne. 12
Sans te laisser souiller par son œil louche et terne, 12
35 Prends cette tête immonde, et de ta belle main, 12
Accroche-la, sanglante, au poteau du chemin ! 12
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