Métrique en Ligne
GAU_8/GAU352
Théophile GAUTIER
POÉSIES NOUVELLES, POÉSIES INÉDITES ET POÉSIES POSTHUMES
édition Maurice Dreyfous
1831-1872
AU BOIS DE BOULOGNE
Le front fumant encor d'une ardente besogne, 12
L'autre jour, à cheval, dans le bois de Boulogne 12
Je courais. — Les sentiers au feuillage nouveau, 12
L'encens des bourgeons verts, me montaient au cerveau, 12
5 Et laissant de côté livres neufs et vieux tomes, 12
Je me baignais dans l'air aux lumineux atômes, 12
Heureux, insouciant, comme tout cavalier 12
Que berce du galop le rhythme régulier ! 12
Car en dépit des vers de Boileau, pris d'Horace, 12
10 Le chagrin ne peut suivre une bête de race, 12
Et, vous regardant fuir, s'asseoit, traînant le pied, 12
Au talus du chemin, comme un estropié ! 12
Par le sentier étroit qui borde chaque route 12
Cheminait une vieille, au dos formant la voûte, 12
15 Au front gris, à l'œil creux par la maigreur vidé, 12
Au visage de bistre affreusement ridé, 12
Parchemin que la vie a timbré de ses marques. 12
Ainsi faite, on eût dit l'une de ces trois Parques, 12
Groupe morne et fatal, peint par Buonarotti, 12
20 Et qu'à Florence on voit dans le palais Pitti ! 12
Parfois elle allongeait sur une violette 12
Hors de sa mante noire une main de squelette, 12
Comme une vierge, en Mai, pour parfumer son cœur, 12
De son ongle d'agathe au bois coupe une fleur. 12
25 Ce souvenir fleuri des premières années, 12
Mettait quelque fraîcheur sur ses tempes veinées, 12
Et sa lèvre riait à ses anciens printemps, 12
A ses beaux amoureux, défunts depuis trente ans. 12
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