Métrique en Ligne
GAU_8/GAU311
Théophile GAUTIER
POÉSIES NOUVELLES, POÉSIES INÉDITES ET POÉSIES POSTHUMES
édition Maurice Dreyfous
1831-1872
A ERNEST HÉBERT
SUR SON TABLEAU
LE BANC DE PIERRE
Au fond du parc, dans une ombre indécise, 10
Il est un banc, solitaire et moussu, 10
Où l'on croit voir la Rêverie assise, 10
Triste et songeant à quelque amour déçu. 10
5 Le souvenir dans les arbres murmure, 10
Se racontant les bonheurs expiés, 10
Et, comme un pleur, de la grêle ramure 10
Une feuille tombe à vos pieds. 8
Ils venaient là, beau couple qui s'enlace, 10
10 Aux yeux jaloux tous deux se dérobant, 10
Et réveillaient, pour s'asseoir à sa place, 10
Le clair de lune endormi sur le banc. 10
Ce qu'ils disaient, la maîtresse l'oublie ; 10
Mais l'amoureux, cœur blessé, s'en souvient, 10
15 Et, dans le bois, avec mélancolie, 10
Au rendez-vous, tout seul, revient. 8
Pour l'œil qui sait voir les larmes des choses, 10
Ce banc désert regrette le passé, 10
Les longs baisers et le bouquet de roses, 10
20 Comme un signal à son angle placé. 10
Sur lui la branche à l'abandon retombe, 10
La mousse est jaune et la fleur sans parfum ; 10
La pierre grise a l'aspect de la tombe 10
Qui recouvre l'amour défunt !… 8
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