Métrique en Ligne
GAU_4/GAU168
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
LE BENGALI
A UNE JEUNE FILLE CRÉOLE
Les bengalis dont le ramage est si doux.
Bernardin de Saint-Pierre.
La France et ses printemps, ses hivers inconnus
Où la bise gémit, où les arbres sont nus,
Où l'on voit voltiger ces blancs flocons de neige
Que je désirais voir, et la glace, — que sais-je ?
Mlle L. A.
Oiseau dépaysé, qui t'amène vers nous ? 12
Notre soleil est froid, notre ciel en courroux : 12
Nos bois sont chauves ; à nos haies, 8
A nos buissons armés de dards aigus, au lieu 12
5 Des beaux fruits blonds mûris à vos midis de feu, 12
Pendent à peine quelques baies. 8
Comme nos passereaux hardis, pauvre étranger, 12
Bengali du désert, sauras-tu voltiger 12
Dans nos forêts de cheminées ? 8
10 Parmi les tuyaux noirs qui fument, sauras-tu 12
Accrocher ton nid frêle à quelque toit pointu, 12
Entre deux pierres ruinées ? 8
Entends-tu, bel oiseau, le rauque sifflement 12
De la bise du nord qui râle incessamment 12
15 Et fait chanter la girouette, 8
Le bruit confus des chars, des cloches, le frisson 12
De la pluie aux carreaux qui pleurent, et le son 12
Des tuiles que la grêle fouette ? 8
Ouvre ton aile et pars, retourne-t'en là-bas 12
20 Au bois des goyaviers reprendre tes ébats 12
Dans la savane aux grandes herbes ; 8
Avec les colibris va becqueter les fleurs, 12
Boire à leurs coupes d'or, te baigner dans leurs pleurs, 12
Bâtir ton hamac sous leurs gerbes ! 8
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