Métrique en Ligne
GAU_4/GAU133
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
VEILLÉE
Je lis les faits joyeux du bon Pantagruel,
Je sais presque par cœur l'histoire véritable
Des quatre fils Aymon et de Robert-le-Diable.
Grandval, le Vice puni
Lorsque le lambris craque, ébranle sourdement, 12
Que de la cheminée il jaillit par moment 12
Des sons surnaturels, qu'avec un bruit étrange 12
Pétillent les tisons, entourés d'une frange 12
5 D'un feu blafard et pâle, et que des vieux portraits 12
De bizarres lueurs font grimacer les traits ; 12
Seul, assis, loin du bruit, du récit des merveilles 12
D'autrefois aimez-vous bercer vos longues veilles ? 12
C'est mon plaisir à moi : si, dans un vieux château, 12
10 J'ai trouvé par hasard quelque lourd in-quarto, 12
Sur les rayons poudreux d'une armoire gothique 12
Dès longtemps oublié, mais dont la marge antique, 12
Couverte d'ornements, de fantastiques fleurs, 12
Brille, comme un vitrail, des plus vives couleurs, 12
15 Je ne puis le quitter. Lais, virelais, ballades, 12
Légendes de béats guérissant les malades, 12
Les possédés du diable, et les pauvres lépreux, 12
Par un signe de croix ; chroniques d'anciens preux, 12
Mes yeux dévorent tout ; c'est en vain que l'horloge 12
20 Tinte par douze fois, que le hibou déloge 12
En glapissant, blessé des rayons du flambeau 12
Qui m'éclaire ; je lis : sur la table à tombeau, 12
Le long du chandelier, cependant la bougie 12
En larges nappes coule, et la vitre rougie 12
25 Laisse voir dans le ciel, au bord de l'orient, 12
Le soleil qui se lève avec un front riant. 12
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