Métrique en Ligne
GAU_4/GAU132
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
ÉLÉGIE II
Ingrate… pour t'avoir bien servie
Adorant ta beauté,
Je vois bien qu'à la fin tu m'osteras la vie
Après la liberté.
De Lingendes.
… je l'adore et meurs de trop aimer.
Philippe Desportes.
Je voudrais l'oublier ou ne pas la connaître… 12
Oh, si j'avais pensé que dans mon cœur dût naître 12
Ce feu qui le dévore et qui ne s'éteint pas, 12
Loin d'elle encor à temps j'aurais porté mes pas… 12
5 Mais non, il le fallait ; c'était ma destinée ! 12
Contre elle vainement, dans mon âme indignée 12
Je crie et me révolte ; il le fallait. Le soir, 12
A l'ombre des tilleuls elle venait s'asseoir, 12
Je la voyais. Son front candide où ses pensées 12
10 D'une rougeur pudique arrivent nuancées, 12
Sous l'arc d'un sourcil brun son œil étincelant, 12
Par un éclair rapide en silence parlant, 12
Et ses propos naïfs, et sa grâce enfantine, 12
Et parfois dans nos jeux sa colère mutine, 12
15 Tout en elle d'amour et d'espoir m'enivrait. 12
A des songes dorés mon âme se livrait, 12
Elle était tout pour moi qui ne suis rien pour elle ! 12
De ses affections ombre et miroir fidèle, 12
Je riais, je pleurais, à son rire, à ses pleurs, 12
20 Lorsqu'elle me contait sa joie ou ses douleurs. 12
Sa vie était la mienne ; une espérance folle 12
Me flattait de toucher un jour ce cœur frivole ; 12
Mais elle, à tant d'amour qu'elle n'a pas compris, 12
N'a jamais répondu que par le froid mépris, 12
25 La vague indifférence, et la haine peut-être !… 12
Je voudrais l'oublier ou ne pas la connaître. 12
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