Métrique en Ligne
GAU_4/GAU128
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
RÊVE
Et nous voulons mourir quand le rêve finit.
A. Guiraud.
Tout la nuict je ne pense qu'en celle
Qui ha le cors plus gent qu'une pucelle
De quatorze ans.
Maître Clément Marot.
Voici ce que j'ai vu naguère en mon sommeil : 12
Le couchant enflammait à l'horizon vermeil 12
Les carreaux de la ville ; et moi, sous les arcades 12
D'un bois profond, au bruit du vent et des cascades, 12
5 Aux chansons des oiseaux, j'allais, foulant des fleurs 12
Qu'un arc-en-ciel teignait de changeantes couleurs. 12
Soudain des pas légers froissent l'herbe ; une femme, 12
Que j'aime dès longtemps du profond de mon âme, 12
Comme une jeune fée accourt vers moi ; ses yeux 12
10 A travers ses longs cils luisent de plus de feux 12
Que les astres du ciel ; et sur la verte mousse 12
A mes lèvres d'amant livrant une main douce, 12
Elle rit, et bientôt enlacée à mes bras 12
Me dit, le front brûlant et rouge d'embarras, 12
15 Ce mot mystérieux qui jamais ne s'achève : — 12
O nuit trompeuse ! — Hélas ! pourquoi n'est-ce qu'un rêve ? 12
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