Métrique en Ligne
GAU_4/GAU122
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
FAR NIENTE
Quant à son temps bien le sut disposer :
Deux parts en fit dont il souloit passer
L'une à dormir et l'autre à ne rien faire.
Jean de la Fontaine.
Quand je n'ai rien à faire, et qu'à peine un nuage 12
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage, 12
J'aime à m'écouter vivre, et libre de soucis, 12
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis 12
5 Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse, 12
Au bord des bois touffus où la chaleur s'émousse ; 12
Là, pour tuer le temps, j'observe la fourmi 12
Qui, pensant au retour de l'hiver ennemi, 12
Pour son grenier dérobe un grain d'orge à la gerbe, 12
10 Le puceron qui grimpe et se pend au brin d'herbe, 12
La chenille traînant ses anneaux veloutés, 12
La limace baveuse aux sillons argentés, 12
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole. 12
Ensuite je regarde, amusement frivole, 12
15 La lumière brisant dans chacun de mes cils, 12
Palissade opposée à ses rayons subtils, 12
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte 12
En l'air, comme sur l'onde un vaisseau sans pilote ; 12
Et lorsque je suis las je me laisse endormir 12
20 Au murmure de l'eau qu'un caillou fait gémir, 12
Ou j'écoute chanter près de moi la fauvette, 12
Et là-haut dans l'azur gazouiller l'alouette. 12
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