Métrique en Ligne
GAU_4/GAU121
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
LES DEUX AGES
La petite fille est devenue jeune fille.
Victor Hugo.
Ce n'était, l'an passé, qu'une enfant blanche et blonde 12
Dont l'œil bleu, transparent et calme comme l'onde 12
Du lac qui réfléchit le ciel riant d'été, 12
N'exprimait que bonheur et naïve gaîté. 12
5 Que j'aimais dans le parc la voir sur la pelouse 12
Parmi ses jeunes sœurs courir, voler, jalouse 12
D'arriver la première ! Avec grâce les vents 12
Berçaient de ses cheveux les longs anneaux mouvants ; 12
Son écharpe d'azur se jouait autour d'elle 12
10 Par la course agitée, et, souvent infidèle, 12
Trahissait une épaule aux contours gracieux, 12
Un sein déjà gonflé, trésor mystérieux, 12
Un col éblouissant de fraîcheur, dont l'albâtre 12
Sous la peau laisse voir une veine bleuâtre, 12
15 — Dans son petit jardin que j'aimais à la voir 12
A grand'peine portant un léger arrosoir, 12
Distribuer en pluie, à ses fleurs desséchées 12
Par la chaleur du jour, et vers le sol penchées, 12
Une eau douce et limpide ; à ses oiseaux ravis, 12
20 Des tiges de plantain, des grains de chènevis !… 12
C'est une jeune fille à présent blanche et blonde, 12
La même ; mais l'œil bleu, jadis pur comme l'onde 12
Du lac qui réfléchit le ciel riant d'été, 12
N'exprime plus bonheur et naïve gaîté. 12
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