Métrique en Ligne
GAU_1/GAU9
Théophile GAUTIER
ÉMAUX ET CAMÉES
1872
PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS
Tandis qu'à leurs œuvres perverses 8
Les hommes courent haletants, 8
Mars qui rit, malgré les averses, 8
Prépare en secret le printemps. 8
5 Pour les petites pâquerettes, 8
Sournoisement lorsque tout dort, 8
Il repasse des collerettes 8
Et cisèle des boutons d'or. 8
Dans le verger et dans la vigne, 8
10 Il s'en va, furtif perruquier, 8
Avec une houppe de cygne, 8
Poudrer à frimas l'amandier. 8
La nature au lit se repose ; 8
Lui, descend au jardin désert 8
15 Et lace les boutons de rose 8
Dans leur corset de velours vert. 8
Tout en composant des solfèges, 8
Qu'aux merles il siffle à mi-voix, 8
Il sème aux prés les perce-neiges 8
20 Et les violettes aux bois. 8
Sur le cresson, de la fontaine 8
Où le cerf boit, l'oreille au guet, 8
De sa main cachée il égrène 8
Les grelots d'argent du muguet. 8
25 Sous l'herbe, pour que tu la cueilles, 8
Il met la fraise au teint vermeil, 8
Et te tresse un chapeau de feuilles 8
Pour te garantir du soleil. 8
Puis, lorsque sa besogne est faite, 8
30 Et que son règne va finir, 8
Au seuil d'avril tournant la tête, 8
Il dit : «Printemps, tu peux venir !» 8
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