Métrique en Ligne
GAU_1/GAU38
Théophile GAUTIER
ÉMAUX ET CAMÉES
1872
CAMÉLIA ET PAQUERETTE
On admire les fleurs de serre 8
Qui loin de leur soleil natal, 8
Comme des joyaux mis sous verre, 8
Brillent sous un ciel de cristal. 8
5 Sans que les brises les effleurent 8
De leurs baisers mystérieux, 8
Elles naissent, vivent et meurent 8
Devant le regard curieux. 8
A l'abri de murs diaphanes, 8
10 De leur sein ouvrant le trésor, 8
Comme de belles courtisanes, 8
Elles se vendent à prix d'or. 8
La porcelaine de la Chine 8
Les reçoit par groupes coquets, 8
15 Ou quelque main gantée et fine 8
Au bal les balance en bouquets. 8
Mais souvent parmi l'herbe verte, 8
Fuyant les yeux, fuyant les doigts, 8
De silence et d'ombre couverte, 8
20 Une fleur vit au fond des bois. 8
Un papillon blanc qui voltige, 8
Un coup d'œil au hasard jeté, 8
Vous fait surprendre sur sa tige 8
La fleur dans sa simplicité, 8
25 Belle de sa parure agreste 8
S'épanouissant au ciel bleu, 8
Et versant son parfum modeste 8
Pour la solitude et pour Dieu. 8
Sans toucher à son pur calice 8
30 Qu'agite un frisson de pudeur, 8
Vous respirez avec délice 8
Son âme dans sa fraîche odeur. 8
Et tulipes au port superbe, 8
Camélias si cher payés, 8
35 Pour la petite fleur sous l'herbe, 8
En un instant, sont oubliés ! 8
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