Métrique en Ligne
GAU_1/GAU28
Théophile GAUTIER
ÉMAUX ET CAMÉES
1872
LA MONTRE
Deux fois je regarde ma montre, 8
Et deux fois à mes yeux distraits 8
L'aiguille au même endroit se montre ; 8
Il est une heure…, une heure après. 8
5 La figure de la pendule 8
En rit dans le salon voisin, 8
Et le timbre d'argent module 8
Deux coups vibrant comme un tocsin. 8
Le cadran solaire me raille 8
10 En m'indiquant, de son long doigt, 8
Le chemin que sur la muraille 8
A fait son ombre qui s'accroît. 8
Le clocher avec ironie 8
Dit le vrai chiffre et le beffroi, 8
15 Reprenant la note finie, 8
A l'air de se moquer de moi. 8
Tiens ! la petite bête est morte. 8
Je n'ai pas mis hier encor, 8
Tant ma rêverie était forte, 8
20 Au trou de rubis la clef d'or ! 8
Et je ne vois plus, dans sa boîte, 8
Le fin ressort du balancier 8
Aller, venir, à gauche, à droite, 8
Ainsi qu'un papillon d'acier. 8
25 C'est bien de moi ! Quand je chevauche 8
L'Hippogriffe, au pays du Bleu, 8
Mon corps sans âme se débauche, 8
Et s'en va comme il plaît à Dieu ! 8
L'éternité poursuit son cercle 8
30 Autour de ce cadran muet, 8
Et le temps, l'oreille au couvercle, 8
Cherche ce cœur qui remuait ; 8
Ce cœur que l'enfant croit en vie, 8
Et dont chaque pulsation 8
35 Dans notre poitrine est suivie 8
D'une égale vibration, 8
Il ne bat plus, mais son grand frère 8
Toujours palpite à mon côté. 8
— Celui que rien ne peut distraire, 8
40 Quand je dormais, l'a remonté ! 8
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