Métrique en Ligne
FRT_1/FRT13
Charles-Théophile FERET
LE BOURDEAU DES NEUF PUCELLES
1912
URANIE
Muse des Choses Célestes et des Divinations
Ta Planète
Si tu veux faire une amie
I
Si tu veux faire une amie, 7
Je t’offre ici ces leçons, 7
Quand jà Vieillesse ennemie 7
Me fait vider les arçons, 7
5 Et ne laisse que le flanc 7
De Pégase à mon élan. 7
II
Fuis les sèches, fuis les plates. 7
Laisse les mineures chez 7
Macette, où bave, écarlate, 7
10 Et rouant des yeux pochés, 7
Le barbon qu’aucunes fois 7
Il faut ranimer du fouet. 7
Jadis me plut davantage, 7
Encore un peu verdelet, 7
15 Non tout à fait mûr, cet âge 7
Qui Ronsard ensorcelait. 7
Je penchai mes voluptés 7
Vers ces froides puretés. 7
Tel, ses cheveux à l’épaule, 7
20 D’un rû de nacre abusé, 7
Se penche l’amour d’un saule 7
Sur le fugace baiser 7
Qu’aux reflets noue et déclot 7
L’ombre des Nymphes dans l’eau. 7
25 N’agace point à ces proies 7
Le bout de tes doigts mouillés ; 7
Le jeu de la petite oie 7
Sied aux vices écoliers. 7
Mais fonds ton désir total 7
30 Dans la chair comme un métal. 7
III
Ton amie aura cinq lustres, 7
Des tétins non étoilés, 7
Dignes des ciseaux illustres, 7
Tétins et non pots de lait. 7
35 Un sein noblement taillé 7
Éteint le plus clair collier. 7
Prends-la grande : un grand domaine 7
Peut seul te découvrir maints 7
Beaux sites, où se promène 7
40 Ton regard, aussi tes mains. 7
Des petites te défends 7
Comme de prendre une enfant. 7
La blonde, les nuits ardentes, 7
Répand d’abondantes chairs. 7
45 Sa croupe chaude et fondante 7
Est d’une épouse d’hiver. 7
Soit ton lit acclimaté 7
Aux seules brunes, l’été. 7
IV
Le désir est prompt, et flambe 7
50 Parfois avant de savoir 7
Si le galbe de la jambe 7
Aura de quoi l’émouvoir, 7
Quand aux ultimes combats 7
La pudeur perdra ses bas. 7
55 Regarde les doigts : graciles, 7
Ou bouffis, ronds ou carrés, 7
Ils sont sculptés sur le style 7
Dont le corps même est ouvré. 7
Comme est taillé le sourcil 7
60 L’aine est implantée aussi. 7
Ciboire où le vin de messe 7
De l’amant va faire un dieu, 7
La bouche fait la promesse 7
D’un velours caché aux yeux ; 7
65 Et sur la lèvre un léger 7
Duvet n’est point mensonger. 7
V
Que la fierté des yeux chastes 7
Ferme au désir le chemin, 7
Tandis qu’une croupe vaste 7
70 Invite au palper les mains, 7
Et fait l’ange si fâché 7
De recéler le péché. 7
Son chef luise sous la charge 7
De crins annelés et fins ; 7
75 Et soit son buste une large 7
Table d’harmonie, afin 7
Que lamente par son col 7
Puissamment un rossignol. 7
Et je veux qu’en ses yeux flotte 7
80 La tendre pudicité 7
De l’adorable Charlotte 7
Dans le roman de Goethe, 7
Que comme Dorothéa 7
Patet incessu dea. 7
VI
85 Crois-tu qu’un portrait je brode 7
Des chimères copié ? 7
Et qu’au seul lit froid de l’Ode 7
Elle allonge ses beaux pieds ? 7
La chair t’attend quelque part 7
90 Comme elle attendit Ronsard. 7
Cassandre est belle, il l’obsède, 7
Et n’en jouit que de l’œil. 7
L’Hélène qu’il chante est laide. 7
Mais voici devers Bourgueil 7
95 La vachère de quinze ans 7
Qui va rejeunir ses sens. 7
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