Métrique en Ligne
FRT_1/FRT10
Charles-Théophile FERET
LE BOURDEAU DES NEUF PUCELLES
1912
ERATO
S’il faut de la Mousse au Sillon
I
Dame ou Soubrette de jadis 8
Qui s’allait baigner aux étuves, 8
Avant de se tremper aux cuves, 8
Se faisait plumer la perdrix, 8
5 (J’entends l’oiselle de Cypris), 8
Pourvu que le nid en fût sec, 8
Car dans la mousse blonde ou brune 8
L’oiseau, quand l’ordonne la lune, 8
Casse un œuf, et mouille son bec 8
10 D’eau plus rousse que le Robec. 8
Sur l’herbe noire ou sur le foin, 8
Au crû de la dernière tonte, 8
La chemise trousse la honte 8
Ou l’orgueil, sous le rire en coin 8
15 Du joyeux barbier de maujoinct. 8
L’huis non troué par le cousin 8
Ferme à secret ses grosses lèvres, 8
Tandis que de béantes Bièvres 8
Étendent jusqu’au trou voisin 8
20 L’ourlet d’un rire sarrasin. 8
II
Dans les couvents un fer cruel 8
Dévaste la nuque à l’Épouse ; 8
S’il fauche aussi l’autre pelouse, 8
C’est qu’on est moins jaloux au ciel 8
25 Des mains du barbier que du poil. 8
Dame ! Il tient chaud ; dans un lit froid 8
Il sert de manchon à la nonne ; 8
La main s’égare, et puis s’étonne 8
Arrêtée au petit endroit 8
30 Du grand bien né d’un petit doigt. 8
III
Au harem, le Mamamouchi 8
Qui fait aux chats fourrés la guerre 8
Lève la toile à la moukère, 8
Et pour le Pacha la blanchit… 8
35 Ou bien pour le godemichy. 8
IV
L’art grec n’a pas, — religieux — , 8
D’un sexe béant qui pantelle 8
Blessé le flanc des immortelles. 8
Humains, il soustrait à nos yeux 8
40 Le sillon creusé pour les dieux. 8
Des bords du féminin palus 8
Il élague le beau feuillage ; 8
Un peu d’algue à son coquillage 8
A Vénus ne rappelle plus 8
45 Qu’elle est née aux flots chevelus. 8
Maître Gautier en a gémi, 8
Qui voit sur la touffe embrasée 8
De Cypris, la tête frisée 8
D’un Cupidon fauve, parmi 8
50 L’or clair de sa mère endormi. 8
V
Mais Vénus est morte, et Byblis ! 8
Vains regrets d’un flocon de laine 8
A des hanches, même d’Hélène, 8
Puisque ne hantent plus nos lits 8
55 Berthe au grand pied, Biétrix, Allis. 8
Ce n’est pas moi qu’on a volé 8
Sur l’airain, la toile, ou le Pare ; 8
Mon hamadryade se pare 8
D’une toison d’or crespelé, 8
60 Souvent à ma barbe emmêlé. 8
Seul fut déçu Pygmalion, 8
Qui, forant sa Nymphe sculptée, 8
N’avait pas feutré Galatée. 8
Mais d’un frottis de vermillon 8
65 Il mit de la mousse au sillon. 8
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