Métrique en Ligne
FRT_1/FRT1
Charles-Théophile FERET
LE BOURDEAU DES NEUF PUCELLES
1912
CALLIOPE
Muse de l’Épopée et de l’Éloquence
Le Pucelage des Muses
Fatidicae jacent sine laude Camœnae.
I
De tel père filles telles. 7
Et Jupin, qui sur le dos 7
Verse Nymphes et mortelles, 7
Change l’Olympe en bourdeaux. 7
5 Lanterne du corridor, 7
Vénus cligne ses yeux d’or. 7
Piérides, en pierreuses, 7
S’ouvrent à tout espadon, 7
Si pour Jean Racine creuses, 7
10 Creuses aussi pour Pradon, 7
Avec autant de maris 7
Que les Odes ont d’Iris. 7
La Volupté, que leurs ruses 7
Insinuent au fond des os, 7
15 Aima les autels des Muses 7
Près des jaillissantes eaux, 7
Pour s’y laver à loisir 7
De l’écume du plaisir. 7
II
S’excitant à leur histoire, 7
20 La Clio prend des soudards 7
Encor tout sanglants de gloire 7
Dans son lit fait d’étendards, 7
Et se colle à ces lurons 7
Comme la bouche aux clairons. 7
III
25 Polymnia, mal coiffée, 7
Aime rêver à l’écart, 7
— La paume au menton, — d’Orphée 7
Qui l’honora d’un bâtard. 7
L’été, dans les Casinos, 7
30 Elle chante aux pianos. 7
IV
Au danseur qu’elle évalue 7
Plus touché de ses desseins, 7
Terpsichore, elle, s’englue, 7
Et l’imprime sur ses seins, 7
35 En lui poussant sous le nez 7
La touffe aux bras safranés. 7
V
L’enchargeant des dolosives 7
Sirènes, Achéloos 7
Au bord des mers offensives 7
40 Le chaste flanc a déclos 7
De Melpomène, et depuis 7
Elle a connu d’autres nuits, 7
Les Aulis, et les Suburres, 7
L’Œta funeste au héros, 7
45 Et le col des vierges pures 7
Trucidé comme taureaux. 7
Ah ! l’orgiaque Byblos 7
A déchiré ce péplos. 7
VI
En Ménade tu trébuches, 7
50 Euterpe, ivre sous le joug 7
De Bacchus, parmi les cruches 7
De ton dieu qui monte un bouc ; 7
Puis t’unis dans le limon 7
Avec le fleuve Strymon. 7
55 Aristote, de ta double 7
Flûte, nous dit que le son 7
Pousse à la colère, et trouble 7
Les sens avec la raison. 7
Pallas proscrit l’instrument, 7
60 De ses traits purs le tourment. 7
VII
La Muse de l’hyménée 7
Debout, lève son plectrum. 7
C’est une passionnée, 7
Souvent nue, amat virum. 7
65 Mais sur le double coteau 7
Qui mieux m’accueille ? Erato. 7
VIII
Thalie a fait quelque frasque 7
Chez les satyres bouquins 7
Avant de porter le masque 7
70 Comique et le brodequin. 7
Et, sous la table, aux rouliers 7
Ses pieds se sont mésalliés. 7
IX
Uranie, en toi ne chôme 7
Nulle sphère ; un jeu risqué 7
75 Gagne ta gorge à la paume, 7
Tes fesses au bilboquet. 7
La plèbe des petits dieux 7
Gratte au compas les Saints-Lieux. 7
X
Or toutes ces Demoiselles, 7
80 Du sourcil jusqu’au talon, 7
Te les garantit pucelles, 7
Qui donc ? Madame Apollon, 7
Et ne te crois pas dupé 7
Par cette Kalliopé. 7
XI
85 Au double mont, si quelqu’une 7
T’attend, — quelqu’une des Neuf, — 7
Dis que ta bonne fortune 7
T’offre un vase sain et neuf. 7
Ne diffame point ce lis 7
90 Le rimant à Syphilis. 7
Le vainqueur de Cérisole 7
— Et dame ! il te valait bien ! — 7
N’a pas perdu la boussole 7
Pour l’émail italien 7
95 Dont Vénus sous le cimier 7
Couronna François premier. 7
Si tu fuis ces chambrières, 7
De Ronsard fais bon marché, 7
Qui de leurs serre-croupières 7
100 Sur son Pégase écorché, 7
Sue encore aux Phlégétons 7
Sous le pourpoint à boutons(1). 7
(1)  Allusion au titre d’un livre célèbre,
édité à Lyon, chez François
Juste, devant Nostre-Dame-de-Confort
en 1539 : LE TRIOMPHE DE DAME VEROLE,
Le pourpoint fermant à boutons.
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