Métrique en Ligne
FRS_1/FRS1
corpus Pamela Puntel
Émile FRANÇOIS
AMERTUMES ET PAIN NOIR
SIÈGE DE PARIS 1870-1871
1871
SÉPARATION-ISOLEMENT
Que j'aurai donc de choses à te dire, 10
Ma bien aimée, au jour, oh ! quel qu'il soit 10
Pour la patrie, ou moins mauvais ou pire, 10
Au jour où là, dans ce petit endroit, 10
5 Notre foyer, qui, depuis deux mois vide, 10
S'étonne, lui qu'on voyait toujours clair, 10
O mon étoile ! ô mon ciel ! mon Égide ! 10
Je te verrai reparaître et parler !… 10
Je te dirai : J'étais là seul et triste, 10
10 Et j'écoutais… la pendule qui bat, 10
Et bat, et bat, sèche et morne choriste… 10
L'huile qui brûle… un grouillement de rat…, 10
Mon souffle… un meuble au craquement sonore… 10
La dent d'un ver qui ronge un vieux bois, là… 10
15 J'écoutais tout… et… j'écoutais encore… 10
Car il manquait un bruit à tout cela… 10
Je te dirai : J'étais là… seul, si triste !… 10
Je regardais… Portes, meubles et murs, 10
Plus que le mien, jamais œil d'archiviste 10
20 N'avait pesé sur eux… Muets, obscurs, 10
Ils avaient l'air bêtes à ne pas croire… 10
Et toujours plus je cherchais çà et là… 10
Et mon regard plongeait dans l'ombre noire…, 10
Car il manquait son âme à tout cela. 10
25 Et puis mon cœur, du fond de son alcôve, 10
Effaré, blême, arrivait à son tour 10
A sa fenêtre, ainsi qu'un oiseau fauve, 10
Qui scrute l'ombre, et, dans son noir séjour 10
N'entendant rien, jette à l'espace louche 10
30 Un cri plaintif dont geint l'écho du lieu. 10
Il venait mettre un soupir à ma bouche : 10
« O ma Marie, où donc es-tu ? Mon Dieu ! » 10
Quand reviendront nos douces causeries 10
Du soir ? Babil d'enfant 6
35 Que j'aime tant, 4
Et que mes oreilles ravies 8
Voudraient ouïr et jours et nuits,… 8
Mais surtout du soir à l'aurore !… 8
Je m'endors en disant : « Et puis… » 8
40 Je m'éveille en disant : « Encore. » 8
Cause, cause, oiseau du taillis… 8
De ton plus beau ramage, 6
Des sons les plus discrets, de ton bec rejaillis, 12
Remplis l'ombre du bocage. 7
45 Ah ! je t'écoute avec tant de plaisir ! 10
Ne finis pas. — Et toi, ma voix ailée, 10
Comme l'oiseau, cause pour me ravir. 10
Ta voix aussi charmerait la vallée !… 10
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