Métrique en Ligne
FRK_2/FRK24
corpus Pamela Puntel
Félix FRANK
CHANTS DE COLÈRE
1871
LES ÉPAVES
AU BORD DU GOUFFRE
A Monsieur Bertrand Robidou
APRÈS tant d’angoisse et d’horreurs, 8
Après ta honte immense, 6
Quel stigmate, ô France, et quels pleurs 8
Faut-il à ta démence ? 6
5 O corps meurtri, c’était assez 8
Que le fléau barbare 6
Vînt briser tes membres lassés, 8
Comme une lourde barre ; 6
Qu’un goujat sur ton front puissant 8
10 Mît sa rude semelle, 6
France, et qu’une source de sang 8
Jaillît de ta mamelle ! 6
Tes plus héroïques enfants 8
Râlaient au bord des routes ; 6
15 Tu n’entendais aux quatre vents 8
Qu’un long bruit de déroutes. 6
Mais, tandis qu’on sonnait ton glas, 8
La Paix, noble ouvrière, 6
Pour te guérir ouvrait ses bras… 8
20 Qui donc lui crie : —Arrière ? 6
Voilà, pour mieux te mordre au sein, 8
Voilà que sur nos villes 6
S’abat le génie assassin 8
Des batailles civiles ! 6
25 Est-ce là ce que vous rêviez 8
Pour victoires suprêmes, 6
Tristes frères, ô loups cerviers, 8
Qui vous frappez vous-mêmes ? 6
Le saint travail allait sortir 8
30 Du fond de nos détresses ; 6
Tu l’as perdu, Peuple martyr, 8
Comme tes forteresses ! 6
Et l’Étranger — de son coin noir — 8
Dit, haussant les épaules, 6
35 Le cœur gonflé d’un sombre espoir : 8
« Coule, ô sève des Gaules !» 6
Ah ! vous dont l’ennemi commun 8
Voudrait tarir les veines, 6
Pour le Vandale et pour le Hun 8
40 Gardez toutes vos haines ! 6
Rentrez, corbeaux, dans votre nuit, 8
Bourreaux, dans votre bouge ! 6
La vie écumante s’enfuit : 8
Arrêtez ce flot rouge ! 6
45 Sinon… Patrie, adieu ! Je vois, 8
Dans l’agonie amère, 6
Je vois une dernière fois 8
S’agiter, ô ma mère, 6
Tes membres nus et palpitants 8
50 Et traînés sur la claie ! — 6
La France est morte, ayant longtemps 8
Saigné par chaque plaie… 6
Morte ! — Le boucher sur l’étal 8
La vend et la dépèce, 6
55 Criant : « Voici le jour fatal : 8
Que chacun s’en repaisse ! 6
« Que les peuples fassent leurs parts 8
De tout ce qui fut Elle… 6
Défendez-vous, lambeaux épars ! 8
60 Salut, France immortelle !» 6
Que pourraient alors nos sanglots 8
Contre la meute infâme ?— 6
Avant que les destins soient clos, 8
Mets ta main sur ton âme ! 6
65 Et, ramassant ton seul drapeau, 8
Bondis, libre, une et fière, 6
Comme aux grands jours de Mirabeau, 8
Le front dans la lumière ! 6
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