Métrique en Ligne
FRK_2/FRK15
corpus Pamela Puntel
Félix FRANK
CHANTS DE COLÈRE
1871
L’INVASION
LES HÉROS DE CHATEAUDUN
A Victor Hugo
STRASBOURG, par le canon battue, 8
N’ayant plus de boulets, cède au sort en pleurant. 12
De la fière cité saluons la statue : 12
Ce n’est pas Strasbourg qui se rend 8
5 Sous la menace de la bombe… 8
C’est sa dernière arme qui tombe ! 8
Avec sa mince garnison, 8
Ses bourgeois, ses conscrits, Tout arrête une armée : 12
Il faut que des héros l’incendie ait raison 12
10 Pour forcer la ville fermée ; 8
Et le noir troupeau d’égorgeurs 8
S’irrite en comptant ces grands cœurs ! 8
Mais il est une gloire encore 8
Plus sacrée et plus haute ! Au-dessus de ces noms, 12
15 Dont notre adversité sans tache se décore, 12
Il en est que nous retenons 8
A jamais vivants en nous-mêmes 8
Comme de sublimes emblèmes ! 8
Les noms des martyrs obstinés, 8
20 De ces fous qui, n’ayant ni murs ni citadelle, 12
Ont lutté jusqu’au bout, sûrs d’être exterminés ! 12
— Salut donc, ô Ville, ô modèle, 8
Que ton voyait comme une fleur 8
Rire au soleil sur la hauteur ! 8
25 Salut, Châteaudun, ville ouverte, 8
Qui t’es fait un rempart de tes propres enfants ! 12
Chaque poitrine au feu sans trembler s’est offerte ; 12
Et les Barbares triomphants 8
N’ont pu trouver même une porte 8
30 Pour entrer dans la ville morte ! 8
Dix-huit cents cadavres germains 8
Ont vengé, pauvres gens, votre sang que je pleure ; 12
Vous les avez couchés au bord de vos chemins, 12
En travers de chaque demeure, 8
35 Et, la face contre le seuil, 8
ils ont payé cher votre deuil ! 8
Puis, tout s’effondra dans la flamme… 8
O débris, toits croulants, qui furent des logis !— 12
Ces décombres pourtant n’étaient pas seuls ! Une âme 12
40 Planait sur les pavés rougis : 8
Ton âme, ô Peuple que renie 8
L’universelle ignominie ! 8
Plus forte et plus sainte qu’hier, 8
Elle reprend son vol : ô ma patrie, ô France, 12
45 Ils ne la tûront pas, cette âme, avec du fer ! 12
J’entends déjà, — pure espérance,— 8
Chassant les bataillons épais, 8
La voix auguste de la Paix ! 8
Nous montrerons que la victoire 8
50 Ne change pas chez nous les soldats en bourreaux ! 12
Nous ne forcerons pas les portes de l’Histoire : 12
A nos légions de héros, 8
Ceints d’impérissables guirlandes, 8
Elle s’ouvriront toutes grandes ! 8
55 Oui, nous dont le cœur exalté 8
Se sent par la douleur meurtri dans chaque fibre, 12
Nous briserons tes lois, ô vieille cruauté, 12
Indigne de tout peuple libre, 8
Et nous laisserons aux corbeaux 8
60 L’immonde empire des tombeaux. 8
Mais, dût la bataille dernière 8
Être le dernier coup pour la France et pour nous, 12
Comme dans Châteaudun, gardant notre bannière, 12
Nous ne ploîrons pas les genoux : 8
65 Ne fût-elle qu’un cimetière, 8
Il nous faut la Patrie entière ! 8
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