Métrique en Ligne
FRK_2/FRK12
corpus Pamela Puntel
Félix FRANK
CHANTS DE COLÈRE
1871
L’INVASION
L’ÂME DES GÉANTS
I
JOUR des sanglantes épopées, 8
Éclair d’un péril inconnu, 8
Tu fais resplendir le fer nu 8
Des longs sabres et des épées ! 8
5 Les tambours battent ! L’on entend 8
Les citadelles qui résonnent ! 8
L’air s’embrase, les canons tonnent, 8
Les soldats passent en chantant ! 8
Là-bas, sous les collines vertes, 8
10 Les spectres au loin dispersés, 8
Les vieux héros se sont dressés ! 8
Leurs paupières se sont rouvertes ! 8
Pour nous aider à soutenir 8
Le poids des batailles géantes, 8
15 Désertant leurs fosses béantes, 8
Près de nous vont-ils revenir ! 8
Ils ont crié : « Quelle devise ? — 8
Conquête ! Empire ! — O déraison ! 8
Enfants, brisez votre prison ; 8
20 Que la Liberté vous suffise ! 8
« Nous pensions qu’un frère martyr, 8
Peuple, t’appelait à son aide : 8
Quand pour le Droit la Force plaide, 8
La victoire est sans repentir ! 8
25 « Mais la Conquête, derrière elle 8
Attirant l’essaim des vautours, 8
S’apprête de sombres retours 8
Et sème la haine éternelle. 8
« Le dernier vainqueur, c’est le Droit ! 8
30 Craignez l’Empire aux pieds d’argile : 8
Toute chose inique est fragile 8
Et s’écroule par quelque endroit. 8
« Toutes les forces de notre âge 8
Dans nos bras seuls ne tenaient pas : 8
35 Quand le sol tremblait sous nos pas, 8
Une Âme planait dans l’orage, 8
« L’Âme du monde rajeuni, 8
Par les nations acclamée, 8
Qui rendait sublime l’armée 8
40 Et laissait notre nom béni !» 8
II
Oui vous avez dit vrai, spectres ! Pour chefs de file 12
Vous aviez le Génie avec le Dévoûment ! 12
Vous mettiez le talon sur toute chose vile, 12
Et vous chassiez les rois pâles d’effarement. 12
45 Jours de quatre-vingt-neuf, pleins d’espoirs magnifiques, 12
Et vous, jours plus troublés, mais pleins d’âpre fierté, 12
Oh ! que vous êtes loin, jours où l’éclair des piques 12
Allumait dans les cœurs l’ardente volonté ! 12
On s’armait ! on partait, pieds nus dans la poussière ! 12
50 Les sabres indignés grinçaient dans leurs fourreaux ! 12
L’orage des canons roulait vers la frontière, 12
Et du sol remué sortaient des généraux ! 12
O géants de quatre-vingt-treize, 8
Vos fronts au contour souverain, 8
55 Où la pensée était à l’aise, 8
Avaient la rigueur de l’airain 8
Et la chaleur de la fournaise ! 8
O soldats ! ô tribuns ! ô fous 8
Dont nous mesurons mal la taille, 8
60 La Justice aux yeux fiers et doux, 8
Quand vous alliez dans la bataille, 8
Jetait sa flamme autour de vous ! 8
Et vous ne haïssiez, ô Pères, 8
Dans votre amour du genre humain, 8
65 Que le sifflement des vipères 8
Sortant des fossés du chemin 8
Et les tyrans dans leurs repaires ! 8
III
Rien de tel aujourd’hui… rien de grand ! Quels exploits 12
Rêve encor ton âme asservie, 8
70 Pour qu’au jeu de la guerre, ô vieil enfant gaulois, 12
Tu risques ta force et ta vie ? 8
Qu’il coule de ta veine ou de celle d’autrui, 12
Du sang versé tu rendras compte, 8
Toi qui marque les champs où la paix aurait lui 12
75 D’un signe d’horreur et de honte ! 8
— Jetez donc, ô soldats, jusqu’en ces jours de deuil 12
Où, prenant la France aux entrailles, 8
Des barbares voudraient la plonger au cercueil, 12
L’affreux outil des funérailles ! 8
80 Pleins d’un mâle délire, alors, en ce danger, 12
Avec le plomb, avec la hache 8
Frappez, ô citoyens ! le sang de l’Étranger 12
Sur cos mains peut mettre sa tache : 8
Qu’il arrose chez nous ton arbre, ô Liberté, 12
85 Qu’il te ranime et qu’il te sacre ! 8
Et j’absoudrai — farouche — en mon cœur attristé 12
La sublime horreur du massacre ! 8
logo du CRISCO logo de l'université