Métrique en Ligne
FRA_2/FRA19
Anatole FRANCE
IDYLLES ET LÉGENDES
1896
Le Captif
Il est, non loin des tièdes syrtes 8
Où bleuit la mer en repos, 8
Un bois d’orangers et de myrtes 8
Dont n’approchent point les troupeaux. 8
5 Là, sous l’ombre antique d’un arbre, 8
Un satyre, ouvrage divin, 8
Sourit dans sa gaine de marbre. 8
Comme réjoui par le vin. 8
Il a des oreilles aiguës 8
10 Que dresse un frémissement prompt ; 8
De jeunes cornes invaincues 8
Reluisent sur son mâle front ; 8
On voit que ses larges narines 8
Portent à ses heureux esprits 8
15 La fraîcheur des brises marines 8
Et les parfums des bois fleuris ; 8
Les coins soulevés de ses lèvres 8
Rappellent le falerne bu ; 8
Deux glandes, comme en ont les chèvres, 8
20 Pendent sous son menton barbu. 8
Captif du socle pentélique, 8
Languit un triste adolescent : 8
Le dieu, de son regard oblique, 8
Lui verse un rayon caressant. 8
25 Mais lui, l’enfant aux ailes blanches, 8
Lève des yeux brillants de pleurs, 8
À cause de ses molles hanches. 8
De ses bras liés par des fleurs. 8
Les larmes sur sa belle joue 8
30 Mouillent sa chevelure d’or. 8
Parfois ses ailes qu’il secoue 8
Méditent l’impossible essor. 8
Et tant que le soleil éclaire 8
Le bois chaste et silencieux, 8
35 Les fiers desseins et la colère 8
Enflamment ses humides yeux. 8
Mais quand vient l’ombre transparente 8
Ramener les Nymphes en chœur, 8
Il rit, et sa chaîne odorante 8
40 Enivre doucement son cœur. 8
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