Métrique en Ligne
DUG_1/DUG8
Ferdinand DUGUÉ
Corpus Pamela Puntel
LES ÉCLATS D'OBUS
1871
LE HULAN
Dieu nous a repris notre mère, 8
Et quand papa travaille aux bois 8
Je reste seule à la chaumière, 8
Où je berce mon petit frère… 8
5 Arrive un soldat bavarois 8
Armé d'un sabre et d'une lance… 8
J'ai peur, je veux crier… Silence ! 8
Dit l'étranger d'un ton brutal… 8
Mais loin de me faire aucun mal. 8
10 Il jette dans un coin ses armes, 8
Court au berceau, de grosses larmes 8
Tombent de ses yeux attendris… 8
— A mon Karl cet enfant ressemble, 8
Murmure-t-il, et sa voix tremble : 8
15 En le regardant il me semble 8
Que je suis encore au pays… 8
Quand le reverrai-je, mon fils ? 8
Puis un juron sort de sa bouche 8
Et reprenant un air farouche : 8
20 J'ai faim ! des vivres ! —Au logis, 8
Monsieur, pas même du pain bis, 8
Nous n'avons rien ! — Tu mens, fillette !… 8
Il venait de voir ma chevrette 8
Qui dormait au bas du grand lit… 8
25 Vers la pauvre bête il bondit, 8
Et comme une proie il l'emporte, 8
Me pousse, referme la porte… 8
Et le cœur tout glacé d'effroi, 8
Je tombe à genoux quasi morte, 8
30 Mais le bon Dieu veillait sur moi !… 8
Un souffle chaud court sur ma lèvre, 8
Je rouvre les yeux… c'est la chèvre ! 8
Elle bêle en me caressant 8
Et sa blanche robe a du sang… 8
35 J'ai tué l'homme, dit mon père 8
Tout pâle et debout sur le seuil : 8
Il se passera de cercueil 8
Au fond de la grande marnière… 8
A tout pillard le même sort ! 8
40 C'est égal, enfant, pour le mort 8
Il faudra dire une prière… 8
Et j'ai prié d'un cœur sincère… , 8
Mais surtout pour cet orphelin 8
Qui ressemble à mon petit frère, 8
45 Et de l'autre côté du Rhin 8
Va connaître deuil et misère !… 8
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