Métrique en Ligne
DUG_1/DUG11
Ferdinand DUGUÉ
Corpus Pamela Puntel
LES ÉCLATS D'OBUS
1871
MONSIEUR LE MAIRE
Monsieur le maire, j'ai l'honneur 8
De vous offrir ma révérence, 8
En sollicitant la faveur 8
De vous dire ce que je pense 8
5 De vos actes municipaux 8
Qui font tache sur les drapeaux 8
De notre France ! 4
Rentier, notaire, praticien 8
Ou marguillier, criblé de votes 8
10 Par les poltrons, les gens de bien 8
Et les communautés dévotes, 8
A l'ennemi trop exigeant, 8
Vous donnâtes, à court d'argent, 8
Jusqu'à vos bottes !… 4
15 D'abord, dans le premier moment, 8
Vous avez relevé la crête : 8
A se défendre crânement, 8
Avez-vous dit, ma ville est prête ! 8
Si les quatre hulans de Nancy 8
20 Osent se présenter ici, 8
Nous tiendrons tête !… 4
On ne prêche dans nos journaux 8
Que dévouement et sacrifice 8
Et nos gardes nationaux 8
25 Sont enragés pour le service : 8
Tout flambants d'uniformes neufs, 8
Les garçons, les maris, les veufs, 8
Font l'exercice… 4
Les hulans arrivent… bonsoir ! 8
30 La défense n'a plus de charmes, 8
N'offrant d'ailleurs aucun espoir ; 8
Et dans la mairie en alarmes, 8
A part quelques hommes de cœur, 8
Chacun accourt avec ardeur 8
35 Rendre ses armes ! 4
Et chacun de crier : Vivat ! 8
Au maire aussi prudent que chauve ! 8
Reconnaissance au magistrat 8
Qui nous protège et qui nous sauve ! 8
40 Avec Von Schlague il a traité, 8
Mais du moins notre dignité 8
Demeure sauve !… 4
Puis le détachement prussien 8
Entre en jouant la Marseillaise… 8
45 Ah ! comme ils s'en acquittent bien, 8
Dit la foule se pâmant d'aise : 8
Ah ! quels accords mélodieux ! 8
Combien leur musique vaut mieux 8
Que la française !… 4
50 Viennent les réquisitions 8
De café, sucre, vin et viande, 8
De cigares et de millions… 8
Ce peuple à la panse gourmande 8
Ne lâche jamais l'os qu'il tient : 8
55 Plus il ronge, plus il obtient, 8
Plus il demande ! 4
Un beau jour on se trouve à sec, » 8
On ne peut plus le satisfaire… 8
Il s'emporte, il jure à plein bec, 8
60 Il a des fureurs d'arbitraire 8
Et Von Schlague, un grossier soudard, 8
Vous pose le pied quelque part, 8
Monsieur le maire !… 4
Et battus sans être contents, 8
65 Après s'être laissé tout prendre, 8
Ruinés pour quinze ou vingt ans, 8
Vos bourgeois paraissent comprendre 8
Qu'avec l'or achetant du fer 8
Il leur en eût coûté moins cher 8
70 Pour se défendre !… 4
De presque toutes nos cités 8
Voici l'humiliante histoire 8
Et nos descendants irrités 8
Plus tard refuseront de croire 8
75 A ces souillures du passé : 8
Aujourd'hui l'opprobre est versé, 8
Il faut le boire !… 4
Monsieur le maire, j'ai parlé 8
En accomplissant une tâche 8
80 Et je serais fort désolé 8
De rien ajouter qui vous fâche, 8
Mais je n'ai pas le choix du mot… 8
Vous avez agi comme un sot 8
Et comme un lâche !… 4
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