Métrique en Ligne
DUC_3/DUC80
Alexandre DUCROS
Les Étrivières
1867-1885
PREMIÈRE PARTIE
(1867-1870)
La sœur Saint-Antoine
I
Sur le parvis de Notre-Dame, 8
Un corbillard stationnait, 8
Attendant le corps d'une femme. 8
D'une sainte ! — Et chacun pleurait. 8
5 La sur Saint-Antoine était morte, 8
Après avoir sur son chemin, 8
Pendant soixante ans, humble et forte, 8
Aux souffrances tendu la main. 8
Auprès du lit où l'agonie, 8
10 N'a que l'isolement affreux, 8
Sa charité, douce, infinie, 8
Versait le baume aux malheureux. 8
Elle était la Foi qui console, 8
Elle était l'Espoir qui soutient, 8
15 Et son regard et sa parole, 8
A qui souffrait faisaient du bien. 8
Elle inondait la route amère, 8
Des clairs rayons de sa douceur ; 8
L'Orphelin lui disait : — « Ma mère ! » 8
20 Et le sans famille : — « Ma sœur ! » 8
II
Je n'aime point ces confréries. 8
Où des êtres claquemurés, 8
Chantent les longues Litanies 8
Des extatiques désœuvrés ! 8
25 Leur zèle à tous est inutile, 8
Et le monde sait ce que vaut 8
Cette dévotion stérile, 8
Que Dieu rejettera Là-Haut ! 8
A quoi bon la ferveur qu'affiche, 8
30 Cet ordre pouilleux que voilà, 8
Gueusant la pièce avec la miche ? 8
Grands paresseux que ces gens-là ! 8
III
Mais, cet essaim béni de femmes, 8
Qui, pleines d'abnégations, 8
35 Ont saintement fermé leurs âmes, 8
Au monde, à ses séductions ; 8
Qui, fuyant les bruyantes fêtes, 8
S'en vont avec humilité, 8
Au fond des pieuses retraites, 8
40 Pour secourir la pauvreté ; 8
Saintes filles que rien n'effraie, 8
Dont rien ne ralentit l'ardeur, 8
Ni du corps la béante plaie, 8
Ni celle plus grande du cœur ; 8
45 Qu'on les aime, qu'on les respecte ! 8
Se dévouer, tel fût leur vœu, 8
Leur mission n'est point suspecte ; 8
Elles sont bien Filles de Dieu ! 8
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