Métrique en Ligne
DUC_3/DUC76
Alexandre DUCROS
Les Étrivières
1867-1885
PREMIÈRE PARTIE
(1867-1870)
Le Carnaval sous l'Empire
Le carnaval s'en est allé. 8
Ah ! mon dieu, qu'il était morose ! 8
Qu'il était triste, désolé, 8
Sous son plâtre teinté de rose. 8
5 Que sont devenus les beaux jours, 8
Des lazzis et des mascarades, 8
De la folie et des amours, 8
Des danses et des sérénades ?… 8
Jadis le carnaval joyeux, 8
10 Courait et sautait dans la rue, 8
Comme un poulain impétueux, 8
Qui par les prés bondit et rue. 8
Aujourd'hui, honteux et muet, 8
Il se montre à peine ou se cache. 8
15 Le Chicard au lieu d'un plumet, 8
Prend au corbillard son panache ! 8
Elle a fêlé tous ses grelots, 8
Cette vieille gaîté gauloise, 8
Dans les salons où coule à flots, 8
20 La sottise lourde et bourgeoise ! 8
Eh ! peut-il en être autrement, 8
Par ce règne du tripotage, 8
Où tout, jusques au sentiment, 8
Est affaire d'agiotage ? 8
25 Où tout s'escompte, où tout se vend, 8
Où l'on veut gagner gros et vite, 8
Où l'or d'un fripon bien souvent, 8
Lui tient lieu d'honneur, de mérite ; 8
Où tout n'est que ficelle et truc, 8
30 Où l'on rit des grands sacrifices, 8
Où tout est recouvert en stuc ; 8
Les hommes et les édifices ; 8
Où le chemin, le seul choisi, 8
Est celui de la ligne courbe, 8
35 Où tout est faux, louche, moisi, 8
Où le plus franc est le moins fourbe ! 8
O Carnaval vif et moqueur, 8
Oui, ton visage était fantasque, 8
Mais aujourd'hui, c'est sur le cœur, 8
40 Que les hommes mettent un masque ! 8
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