Métrique en Ligne
DUC_3/DUC114
Alexandre DUCROS
Les Étrivières
1867-1885
Troisième partie
(1871-1885)
La mort de Gambetta
Hoenzollern exulte et le Germain respire ; 12
Un immense soulagement 8
A dilaté le cœur des sujets de l'Empire, 12
Et calmé le ventre Allemand. 8
5 Il pourra digérer, cuver dans la taverne, 12
En paix, le ferment des houblons, 8
La joie éclate enfin au pays où gouverne 12
L'Empereur des ivrognes blonds. 8
L'homme en qui s'incarnait la revanche implacable, 12
10 Le tribun au verbe invaincu ; 8
L'homme à la foi robuste et tenace, impeccable, 12
L'ardent patriote a vécu ! 8
Gambetta !
Ce nom seul aux oreilles germaines,
Sonnait comme un clairon d'airain ! 8
15 Et les ans s'écoulaient courts comme des semaines… 12
Et tous regardaient vers le Rhin ! 8
Il s'élevait un bruit mesuré de ses grèves ; 12
Un bruit de régiments au pas !… 8
Puis, en proie aux terreurs de fantastiques rêves, 12
20 Qu’Hoffmann ne raconterait pas, 8
La nation gloutonne aux yeux bleus de pervenche 12
Que le servilisme hébéta, 8
Criait : « voici le jour sanglant de la revanche, 12
Que nous réservait Gambetta ! » 8
25 Mais aujourd'hui la peur ne tient plus aux entrailles. 12
Ce peuple affolé de pillards ; 8
Il laisse aux arsenaux ses engins de mitrailles, 12
Qu'il se forgeait de nos milliards. 8
Il dit : « Buvons ! chantons ! pour nous commence une ère 12
30 Plus calme, et notre ciel est clair ; 8
Celui qu'on redoutait comme un coup de tonnerre, 12
A disparu comme un éclair ! 8
Si la France est en deuil, si la nation pleure, 12
Ne buvez pas ! ne chantez pas ! 8
35 La foudre ébranlera, lorsque sonnera l'heure, 12
La terre où titubent vos pas ! 8
L'homme au grand cœur n'est plus, mais le cœur de la France, 12
Sur qui son souffle avait passé, 8
N'a point dans un cercueil cloué son espérance ; 12
40 Sa haine n'a point trépassé ! 8
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