Métrique en Ligne
DUC_3/DUC109
Alexandre DUCROS
Les Étrivières
1867-1885
Troisième partie
(1871-1885)
Encore Lui !!!
Au lieu de garder le silence, 8
De s'humilier sous l'affront, 8
Il ose encor lever le front ? 8
Ah ! c'est vraiment trop d'impudence ! 8
5 C'est monstrueux et c'est bouffon ! 8
Aussi faisons-nous bien d'en rire. 8
Je parle de ce triste sire, 8
Qui s'appelle Napoléon. 8
Il veut, — sa lettre est explicite, — 8
10 Dans la pourpre encore s'asseoir, 8
Il veut ressaisir le Pouvoir ; 8
Il en-appelle au Plébiscite ! 8
Voyons, à quoi donc songes-tu ? 8
Que prétends-tu ? qu'entends-tu faire ? 8
15 N'as-tu pas reçu ton salaire ; 8
Le profond mépris qui t'est dû ? 8
Alors, viens et réglons tes comptes. 8
Je mets des gants, comme tu vois, 8
Pour ne pas me salir les doigts, 8
20 En additionnant tes hontes !… 8
Mais, non ! homme sombre, fatal, 8
Elles formeraient une liste 8
Trop longue, trop sale, trop triste, 8
Et nous connaissons le total ! 8
25 Pour nous, tu n'étais plus qu'un songe. 8
Nous te croyions enseveli 8
Dans ta pourpre, dont chaque pli 8
Cachait la fraude et le mensonge ! 8
Nous t'avions oublié, vraiment, 8
30 Et nous avions dit, magnanimes : 8
— « Que le souvenir de ses crimes, 8
Soit son unique châtiment ! 8
« Bah ! qu'il végète ou qu'il pourrisse, 8
Que nous importe ? il n'est plus là. 8
35 A quoi bon remuer cela ? 8
Le mépris en a fait justice ! » 8
Et toi que ce mépris frappait, 8
Tu viens réclamer pour ta race ? 8
Franchement, c'est par trop d'audace… 8
40 Gavroche dirait du toupet ! 8
De Sedan la sombre journée, 8
Tibère, a tué ton parti, 8
Demande-le donc à Conti. 8
A la fureur de l'Assemblée, (1) 8
45 Eh ! quoi ? tu ne doutes de rien ? 8
Tu gardes encor l'espérance, 8
De retourner régner en France ? 8
Ah ! çà, mais tu nous hais donc bien ? 8
Allons, assez ! rentre dans l'ombre, 8
50 Heureux qu'on t'y laisse, crois-moi, 8
Tout est fini, fini pour toi, 8
L'homme risible, l'homme sombre ! 8
« A l'Assemblée Nationale, à Bordeaux. — Ceux qui n'ont
« pas assisté à la dramatique scène imprudemment provoquée par
« M. Conti, ceux qui ne la connaissent que par le procès-verbal du
« Moniteur officiel et la froide sténographie, ne s'en peuvent faire
« une idée. — Jamais peintre, jamais habile metteur en scène, ne rêva
« un pareil tableau. Toute l'Assemblée, débout, soulevée par un mou-
« vement irrésistible de la Conscience révoltée. Sept cents represen-
« tants vociférant, agitant leurs chapeaux, fiévreux, indignés, résolus
« et criant : Déchéance ! — A la tribune, impassible et livide, le lor-
« gnon sur le nez, maigre, à la fois sinistre et comique, comme un
« tortionnaire de Conseil des Dix d'opérettes, M. Conti, bravant la
« juste colère de l' Assemblée, et demeurant glacé et immobile devant
« cet orage ; les cris se croisant, se heurtant, passant par-dessus la tête
« du Secrétaire intime, pour aller atteindre le maître. — Hors la loi
« le Deux-Décembre ! Plus de lâche ! Plus de traître ! — La
« fureur augmentant, les vociférations devenant farouches, les poings
« crispés, les yeux injectés : — A bas les Bonaparte ! et tout à coup,
« dans ce tumulte, dans cette foule et cette tempête, un front se dres-
« sant comme par hasard à la tribune, à côté de la maigre face de « M.
Conti, un visage apparaissant rouge, sanguin, la barbe et les
« cheveux blancs, le visage de Victor Hugo, l'auteur de Napoléon le
« Petit, à côté du secrétaire de l'homme de Sedan, du Deux-Décembre
« et, comme si le cri partait de toutes les poitrines, on entendait sor-
« tir, jaillir cles lèvres ce mot : « CHÂTIMENT ! VOILA LE CHATI-
« MENT ! » (Extrait du Journal Le Siècle. Compte-rendu d'une
séance de l'Assemblée Nationale à Bordeaux, par Jules Claretie
Mars 1871).
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