Métrique en Ligne
DUC_2/DUC57
Alexandre DUCROS
Les Caresses d'Antan
1896
CAMILLE !
Camille
Comme une aube calme, sereine, 8
Tes jours se levaient radieux, 8
Et la muse d'or souveraine 8
T'ouvrait le temple de ses Dieux. 8
5 A peine à sa première stance, 8
Ta jeune et paisible existence 8
Était un chant de Floréal ! 8
Et tes heures, hélas, trop brèves, 8
S'écoulaient pures, dans les rêves 8
10 Du Beau, du divin Idéal ! 8
Tout n'était que promesse et joie ; 8
L'espoir fleurissait dans ton cœur, 8
Nul caillou n'encombrait la voie, 8
Où se posait ton pied vainqueur. 8
15 A l'horizon que rien ne voile, 8
Ton regard contemplait l'étoile 8
Dont l'avenir s'illuminait. 8
Des rayons de l'astre splendide 8
Qui devait te servir de guide, 8
20 Ton jeune front se couronnait ! 8
Mais tout à coup un vent d'orage, 8
Présageant les sombres douleurs, 8
Sur l'étoile jette un nuage, 8
Qui te dérobe ses lueurs ! 8
25 Et le sourire de tes lèvres 8
S'efface sous les pâles fièvres ; 8
Ton front se penche, et de ta main, 8
La lyre, ô Camille, s'échappe, 8
Et voilà que la mort te frappe, 8
30 A peine au début du chemin ! 8
Jeunesse, espoir, rêves superbes, 8
Rêves d'une âme de vingt ans, 8
Se sont flétris comme les herbes, 8
Au souffle mortel des antans ! 8
35 La maison s'emplit de ténèbres 8
Et l'on entend des chants funèbres 8
Sur l'orgue, hier mélodieux ; 8
Et la maison est désolée, 8
Et ton départ, chère envolée, 8
40 A mis des pleurs dans tous les yeux ! 8
Tu t'en vas avec tes croyances, 8
Sans avoir connu d'ici-bas 8
Le doute, — ni les défaillances, 8
De la vie et de ses combats ! 8
45 Tu pars, souriante et bénie, 8
Planer dans la sphère infinie 8
D'éternelle sérénité ! 8
Et Dieu vient parer l'ossuaire 8
Avec la neige, blanc suaire 8
50 Qu'il étend sur ta chasteté !(1) 8
Il tomba une neige épaisse juste au
moment où l'on eut recouvert la fosse
de Camille, le jour de l'enterrement.
logo du CRISCO logo de l'université