LES RUBANS DE MARIE |
Simple Histoire |
III |
Ruban vert |
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Un mois s'est écoulé depuis que dans son âme |
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Marie avait senti brûler une autre flamme |
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Et naître un autre amour qu'elle ignorait alors. |
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Elle avait à son tour dit à Louis : — Je t'aime ! |
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Oh ! qu'il était heureux ! — Pour cet aveu suprême |
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Il n'aurait pas voulu les plus riches trésors. |
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Chaque jour apportait des moments pleins de charmes, |
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Et leur amour encore ignorait les alarmes ; |
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Ils s'enivraient ensemble à leur félicité. |
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Le présent était tout. — L'avenir, chose obscure, |
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Ne venait point troubler leur félicité pure, |
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Car ils n'y songeaient point dans leur simplicité. |
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Peut-être ignorez-vous, ô ma jeune lectrice… |
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Je ne vous blâme pas et je vous rends justice, |
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Vous n'aimez pas encor. — Peut-être ignorez-vous |
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Tous ces tourments… divins ! que l'amour fait d'une ombre ; |
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Ces boutades et puis tous ces accords sans nombre, |
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Que suscite l'amour pour peu qu'on soit jaloux ? |
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L'était ainsi chez eux ; d'accords, brouillés encore. |
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Et plus on est brouillé, mieux après on s'adore, |
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— C'est la règle ; — en amour point d'uniformité, |
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Un plaisir qu'on acquiert sans désir est bien fade… |
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Mais, je vous vois rougir de ma sotte incartade, |
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Veuillez me pardonner cette immoralité. |
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Le bonheur de Louis ne peut pas se décrire ; |
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Il avait ignoré jusqu'alors qu'un sourire, |
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Un seul regard, un mot, c'était là du bonheur. |
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— « Oh ! merci, disait-il, merci pour ta tendresse, |
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Car elle a de mon cœur dissipé la tristesse |
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Et le nuage obscur qui pesait sur mon cœur. |
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« Au seul bruit de ta voix j'ai senti fuir le doute, |
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Et prêt à succomber j'ai poursuivi ma route, |
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Car seul, abandonné, moi je voulais mourir ; |
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Chacun me repoussait ! — Maintenant je veux vivre ; |
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Tu m'aimes, n'est-ce pas ? Ah ! ton amour m'enivre : |
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J'ai vécu de douleurs ; je mourrai de plaisir ! » |
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En écoutant ces mots, Marie était heureuse. |
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Ils se voyaient une heure ; heure délicieuse ! |
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La mère ne prenait point garde à leur amour ; |
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La vieillesse est toujours crédule et confiante ; |
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Et puis, ils parlaient d'elle et leur flamme innocente |
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Lui promettait aussi bien du bonheur un jour. |
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— « Louis, tu l'aimeras ? disait alors Marie. » |
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« Je n'ai jamais connu de mère dans ma vie ; |
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Elle sera la mienne… Oh ! oui, je l'aimerai ! |
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— « Nous aurons bien soin d'elle. Oh ! c'est qu'elle est si bonne ! |
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Nous n'aurons pas besoin de l'aide de personne ; |
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Toi, tu travailleras, moi je la soignerai. |
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Hélas ! un soir Louis rentra triste, des larmes |
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S'échappaient de ses yeux. — « Quelles sont tes alarmes ? » |
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Dit Marie effrayée. — « Il faut partir demain, |
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Répondit le jeune homme. — « Et pourquoi donc ? — L'armée |
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Me réclame. » — « Soldat ! » fit Marie accablée, |
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Et son front abattu s'inclina sur sa main. |
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Il partit ! et Marie en comptant les journées |
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Attendait son retour. — Il fallait sept années |
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Avant qu'il ne revînt au pays, c'était long ! |
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Et l'on était alors dans ces jours où la guerre, |
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Du bruit de ses canons épouvantait la terre, |
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Où les rois pâlissaient devant Napoléon ! |
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Elle attendait toujours et prenait du courage. |
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Un bruit dans l'escalier suspendait son ouvrage. |
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Elle y courait alors : — « Mon Dieu, ce n'est pas lui ! » |
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Disait, en remontant, la pauvre jeune fille. |
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Puis elle murmurait, en reprenant l'aiguille : |
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— « Je crois que cela fait juste un an aujourd'hui. » |
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Elle continuait : — « Je veux être jolie, |
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Je veux qu'à son retour il me trouve embellie. |
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Si Louis aujourd'hui, mon Dieu, pouvait me voir, |
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Comme il serait heureux ; je suis encor plus belle ! » |
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Chaque minute aussi toujours la trouvait-elle |
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Consultant le reflet de son petit miroir. |
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— « Il aura l'épaulette à son retour, peut-être ! » |
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Disait la pauvre enfant, courant à la fenêtre |
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Pour écouter un bruit de tambours au dehors ; |
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Il aura l'épaulette ! Oh ! que je serai fière ! » |
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Elle attendait toujours sans savoir, ô misère ! |
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Que la gloire souvent n'escorte que les morts ! |
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Enfin, elle attendait. Tantôt triste ou joyeuse, |
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Sombre et morne aujourd'hui, demain folle et rieuse. |
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Le seuil de sa mansarde était toujours ouvert, |
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Comme on fait pour quelqu'un qu'on attend à toute heure, |
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Ses yeux semblaient chercher l'absent dans sa demeure |
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Et dans ses cheveux blonds flottait un ruban vert. |
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