Métrique en Ligne
DUC_1/DUC2
Alexandre DUCROS
Les Capricieuses
1854
SOUVENIRS
A ma Mère.
Revenez tous dans ma demeure, 8
O vous, mes jeunes souvenirs ! 8
Retracez mes jeunes plaisirs ; 8
Lorsque mon âme est triste et pleure, 8
5 Venez apaiser ses soupirs. 8
Rapportez ma douce croyance 8
Avec ma naïve ignorance 8
Et même mes chagrins d'enfant ; 8
Alors qu'un baiser de ma mère, 8
10 Effaçant leur ombre éphémère, 8
Rendait mon front plus souriant. 8
Oh ! dans ma chambre vaste et nue, 8
Où j'entends mon cœur sangloter, 8
Revenez tous vous abriter 8
15 Avec votre joie inconnue… 8
Pourquoi m'avez-vous pu quitter ?… 8
Vous auriez embelli ma route ; 8
Votre voix, que toujours j'écoute 8
Comme un murmure, un bruit lointain, 8
20 Aurait conseillé ma pensée, 8
Guidé mes pas dans la vallée 8
Où le doute croît au chemin. 8
Vous m'auriez dit : — « Enfant, ta mère » 8
Te fit une bien douce loi, 8
25 « Lorsque, son front penché sur toi, 8
« Elle t'apprit cette prière 8
« Que tu récitais avec foi… » 8
De la foi naquit l'espérance, 8
Qui sait calmer toute souffrance 8
30 Et qui fait croire à tout bonheur. 8
Vous m'auriez montré celte voie, 8
Et vous auriez, par tant de joie, 8
Tari les larmes de mon cœur ! 8
Vous auriez grandi mon courage 8
35 Dans les jours de l'adversité ; 8
Chacun de vous m'eût répété 8
Que jadis je bravais l'orage 8
Qu'ignorait ma simplicité. 8
Vous m'auriez dit ces douces choses, 8
40 Mots suspendus aux lèvres roses 8
De l'enfant qui bégaie et rit ; 8
Mots qu'il ne comprend pas encore, 8
Qu'il adresse au Dieu qu'il ignore, 8
Mais qu'il voit pourtant en esprit. 8
45 Vous m'auriez dit mon jeune, rêve, 8
Mes naïves illusions, 8
Mes jours exempts de passions, 8
Pareils au soleil qui se lève 8
Et qui promet tant de rayons. 8
50 Vous auriez dévié ma course 8
De cet abîme, vaste source 8
De maux et de corruptions, 8
De dégoût, d'implacable haine, 8
Fosse béante et toujours pleine 8
55 De cris de malédictions. 8
Souvenirs… image si chère 8
De tout mon bonheur d'autrefois, 8
Revenez encore une fois, 8
Mêlez à la voix de ma mère 8
60 Le bruit sacré de votre voix. 8
Oh ! revenez, candide troupe, 8
Ma présenter encor la coupe 8
Où sont tant de précieux dons… 8
Car j'ai bu l'absinthe fatale, 8
65 Laissé ma robe virginale 8
Sur les ronces et les chardons… 8
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