Métrique en Ligne
DLR_9/DLR853
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
VIII
BONHEURS
O TEMPS !…
O temps ! Je redeviens poétique et sans sexe 12
Comme aux jours merveilleux du premier souvenir, 12
Quand j'ignorais encor que l'on m'allait bannir 12
Dans un monde bas et complexe. 8
5 Comment séraphin-né, fille de séraphins, 12
Suis-je donc devenue une femme ! une femme 12
Avec tous ces tourments, tous ces drames dans l'âme, 12
Ces commencements et ces fins ? 8
Je n'aurai nul regret de cette âpre jeunesse 12
10 Qui cherchait, qui cherchait et qui ne trouvait pas. 12
J'abandonne, empressée, avec un geste las, 12
Ma jeunesse, ce droit d'aînesse. 8
Mes passions battaient, lames sur le récif, 12
Et je ne savais plus les candeurs et les charmes. 12
15 Mais je gardais du moins ce cœur inoffensif 12
Parmi les bonheurs et les larmes, 8
Ce cœur inoffensif qui n'est point de ce temps 12
De lutte sans merci, d'impudeur et de ruse, 12
Ce cœur inoffensif que repaît et qu'amuse 12
20 Son rêve aux récits palpitants. 8
Vivre seule en rêvant et rêvant… Je retrouve 12
L'hypnose de l'enfance étonnée aux grands yeux. 12
Je ne suis plus, parmi les loups, la jeune louve 12
Amoureuse, hurlant comme eux. 8
25 Le monde redevient mystérieux et chaste. 12
Art à l'intérieur et nature au dehors. 12
Je vis ! Je vis heureuse et seule de ma caste, 12
Avec ma famille de morts. 8
O mon front éclaté de travail et d'étude, 12
30 Que de jeunesse encor et de charme pour nous ! 12
O bonheur d'être entrée encor jeune au très doux 12
Carmel de cette solitude ! 8
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