Métrique en Ligne
DLR_9/DLR846
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
VII
L'ANGOISSE
UN RÊVE
J'ai rêvé. Je dormais au fond de mon alcôve, 12
Noir sépulcre de chaque nuit. 8
Je dormais. O sommeil étrange ! Temps qui fuit 12
Dans un néant hanté qui nous berce et nous sauve ! 12
5 Je dormais. J'ai rêvé d'un être qui disait : 12
« Salut ! C'est moi ! Simple et complexe, 8
Je suis enfin cette âme incarnée et sans sexe 12
Que la réalité toujours te refusait. 12
« C'est moi ! Je te dirai ces deux mots : « Mon poète ! » 12
10 Que nul n'a prononcés pour toi. 8
T u ne seras plus seule et sombre sous ton toit, 12
Car mon épaule ailée est faite pour ta tête. 12
« Je t'aimerai pour toi, non pour moi. Je serai 12
De fervent de toutes tes heures, 8
15 Je rirai quand tu ris, pleurerai quand tu pleures, 12
J'épèlerai sans fin ton grand songe égaré. 12
« Rien ne sera perdu de toutes tes merveilles, 12
T u pourras enfin dire : nous. 8
Pas d'âmes à mes yeux qui te seront pareilles, 12
20 Ton enfance éternelle aura mes bons genoux. 12
« Il y a trop longtemps, connue et méconnue, 12
Qu'on te confond avec autrui. 8
Salut ! C'est moi ! C'est moi !… Ma tardive venue 12
Vient enfin consoler ta détresse, aujourd'hui ! » 12
25 — « O toi !… Toi !… » Je pleurais tout bas, émerveillée. 12
« Est-ce vraiment toi que je vois ? 8
Donne ta main !… » Soudain je me suis éveillée, 12
Dans l'ombre de mon lit serrant mes propres doigts. 12
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