Métrique en Ligne
DLR_9/DLR843
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
VII
L'ANGOISSE
TRAVAIL
Je suis le sombre Robinson 8
De mon travail, île déserte. 8
L'esprit sans cesse en découverte, 8
Je suis seule avec mon frisson. 8
5 La foule, cette mer lointaine, 8
M'entoure à l'horizon distant. 8
Mais nul ne cueille en son instant 8
L'œuvre proche comme l'haleine. 8
Nulle ferveur n'attend mes vers 8
10 Au moment qu'ils viennent de naître. 8
Et je me sens, de tout mon être, 8
A l'abandon dans l'univers. 8
Mes amis sont distraits, sans doute… 8
O pudeur des chants et des cris ! 8
15 J'avance à tâtons sur la route, 8
Sans nouvelles de mes écrits. 8
L'encens câlin de quelque proche 8
N'est pas dans mon destin à moi. 8
Je ne fais déferler l'émoi 8
20 Qu'au large, vagues sur la roche. 8
Dans cette nuit, cette froideur, 8
Nulle ombre ne m'aura suivie, 8
Tout inquiète de mon cœur. 8
— Voilà : j'aurai gagné ma vie. 8
25 O mon grand labeur monnayé, 8
Triste récompense pratique 8
De plus d'une nuit pathétique 8
Où mon esprit a flamboyé ! 8
Mes intimes ni ma famille 8
30 Ne m'ont fait don de leur souci. 8
Et pourtant ma lumière brille… 8
Amen, donc ! Cependant voici, 8
Pleins de rêverie et d'étude, 8
De musique et de passion, 8
35 Mes yeux où la déception 8
Est devenue une habitude, 8
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