Métrique en Ligne
DLR_9/DLR836
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
VI
SPECTRES
LE CERCUEIL VIVANT
Elle-même l'avait choisie, 8
(O fantaisie !) 4
Cette bière d'un travail fin 8
Que l'on vient de fermer enfin. 8
5 Elle n'était pas étrangère. 8
Vide et légère, 4
Parmi d'autres meubles pesants 8
Elle attendait depuis des ans. 8
La funèbre plaisanterie, 8
10 Sans qu'on en rie 4
— Car qui donc y pensait encor ? — 8
Tout à coup redevient la mort. 8
U n matin voici que l'on visse 8
Le bois qui crisse, 4
15 Long bruit qui fait grincer des dents, 8
— Et que le cadavre est dedans. 8
Jadis, l'artiste bien vivante 8
Et qui se vante 4
De n'avoir jamais peur de rien, 8
20 S'y allonge et s'y trouve bien. 8
Que fut alors sa rêverie ? 8
Toute fleurie 4
Elle faisait la morte, mais 8
Son instinct lui disait : « Jamais ! » 8
25 Puis, dans la bière parfumée 8
Eut inhumée, 4
Afin d'être relue un jour, 8
La correspondance d'amour. 8
Or, à présent que dans l'étroite 8
30 Et longue boîte 4
La défunte au masque sculpté 8
Repose pour l'éternité, 8
Quatre planches de bois de rose, 8
Dans l'ombre close 4
35 Où sa robe est comme un grand lys, 8
Se souviennent du temps jadis. 8
« Te rappelles-tu, disent-elles, 8
Comme étaient belles 4
Tes formes pleines de secrets ?… 8
40 De doux bruit quand tu respirais ! 8
« Nous et toi répétions nos rôles. 8
Oui, tes épaules 4
Nous en connaissons le contour, 8
Et tout ton frêle corps d'amour. 8
45 « Plus tard, oh ! ces lettres ! Ces lettres 8
D'enfants, de maîtres ! 4
Nous t'en redirons la teneur, 8
Nous les savons toutes par cœur ! 8
« Écoute-les parler : Quand même ! 8
50 Et puis : « Je t'aime ! » 4
Écoute, écoute te bercer 8
La voix du fabuleux passé. 8
« Ton heure a sonné. Mais qu'importe 8
Que tu sois morte ? 4
55 Plus familière qu'un toit 8
Ta bière demeure avec toi. 8
« Le tombeau lourd comme une meule 8
Te laisse seule ; 4
Mais, pour charmer ton au-delà, 8
60 Moi, ton vieux cercueil, je suis là ! 8
« La grande foule va se taire. 8
Dans le mystère 4
Nous, nous parlerons nuit et jour 8
De beauté, de gloire et d'amour ! » 8
65 Et c'est ainsi, lorsque tout cesse, 8
Que, dans la caisse 4
Terrible où sa dépouille dort, 8
Sarah Bernhardt, malgré la mort, 8
Est couchée avec sa jeunesse. 8
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