Métrique en Ligne
DLR_9/DLR834
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
VI
SPECTRES
FINALEMENT
J'errais au soir tombant dans la région pâle 12
Au bord sombrement violet 8
De la vase couleur d'opale 8
Où l'on entend au loin appeler le sifflet 12
5 Triste et doux d'oiseaux invisibles. 8
Ici, lai mer qu'on ne voit pas, 8
Perdue à l'horizon dans des gris indicibles, 12
Semble devoir toujours, toujours rester là-bas 12
Où la mit la basse marée. 8
10 Et la couleur du ciel, dans la vase mirée, 12
Étend un firmament de nacre sous les pas. 12
De nuage est pareil à l'onde, 8
La terre devient vase et le fleuve océan, 12
Et tout semble sortir lentement du néant, 12
15 Comme au commencement du monde. 8
Fleuve et mer ! Estuaire imprécis et salé ! 12
C'est là qu'est mon pays fécond et désolé, 12
Là que j'attends le flot lorsqu'il s'en est allé, 12
Sachant qu'il reviendra sur sa déserte grève. 12
20 C'est là que mon obsédant rêve 8
Guette, guette à jamais la sirène du Nord 12
Qui chanta tout un jour, autrefois, dans le port. 12
Et le ciel, l'eau, le sol, la vase aux pâles flammes 12
Sont, pour mes yeux remplis par un songe éternel, 12
25 Le vivant monstre maternel 8
D'où mon être naquit avec toutes ses âmes. 12
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