Métrique en Ligne
DLR_9/DLR833
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
VI
SPECTRES
PROMENADES
Les bois sont, sous cette pluie, 7
Désespérés, solennels. 7
Le printemps trempé s'ennuie. 7
Les merles sont sans appels. 7
5 Seul un corbeau qui croasse 7
Jette parfois une voix 7
Quand, parmi ces tristes bois, 7
A cheval, au pas, je passe. 7
Je cherche mes paradis 7
10 Parmi le complet silence. 7
Non. Les arbres sont grandis. 7
Rien, plus rien n'a souvenance. 7
Certes, tout le monde est mort, 7
Je suis seule sur la terre ! 7
15 Quel pauvre enfant solitaire 7
En moi se rappelle encor ? 7
Poète mélancolique, 7
Romanesque cavalier 7
Foulant, sous la pluie oblique, 7
20 Ces lieux qui l'ont oublié, 7
Sur mon passage, les branches 7
Versent, on dirait, des pleurs. 7
Frêles anémones blanches, 7
Le sous-bois s'est mis en fleurs. 7
25 N'est-il pas plein de fantômes 7
Ce ruissellement de mai ? 7
« Réponds, paysage aimé ! 7
Vers toi je tends mes deux paumes. 7
Où sont-ils, mes absents, dis ? 7
30 Ne vont-ils pas m'apparaître ? 7
C'est à ce tournant, peut-être, 7
Que m'attend le temps jadis ? » 7
Mais les bois, dans l'épouvante, 7
M'ont répondu : « Spectre froid, 7
35 Va-t'en, cavalier qui hante, 7
Car, le revenant, — c'est toi ! » 7
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