Métrique en Ligne
DLR_9/DLR824
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
V
CI-GÎT
LA BELLE IMAGE
Un sombre ciel d'hiver court sur la plaine immense 12
Où la grande Guerre tonnait. 8
Mais maintenant l'herbe renaît, 8
Maintenant tout se tait, et l'Histoire commence. 12
5 Sous l'humble croix de bois les tués crient encor. 12
On ramasse un casque, une épée, 8
On devine le bruit furieux de la mort. 12
Et, sur la plaine en paix, se lève l'épopée. 12
Ces armes, ces débris que l'on trouve à ses pieds 12
10 Ressemblent à d'autres images. 8
On croit que l'on relit les pages 8
Qu'apprennent lentement les petits écoliers. 12
Ces casques sont encor ceux des héros d'Homère. 12
On revoit, sur ce mamelon, 8
15 Louis quatorze, Napoléon, 8
Tous ceux qui restent grands pour avoir fait la guerre. 12
La Victoire brandit, sous le même soleil, 12
Le même bras armé qui tonne. 8
Toujours un semblable appareil. 8
20 Comme,à travers le temps, l'Histoire est monotone ! 12
Lauriers d'or, lauriers d'or,ô signes émouvants, 12
Le revoici, le jour de gloire ! 8
Mais elle est en deuil, la Victoire, 8
Car la postérité n'appartient qu'aux vivants. 12
25 Moi, j'ai compris ici l'effroyable martyre 12
De ces soldats qui ; dans des trous, 8
N'attendaient que la mort, ou pire, 8
Parmi le froid, la boue, et les rats et les poux. 12
Alors une pitié qui sanglote et qui plie 12
30 A fait pleurer mes yeux baissés 8
Devant ces restes de folie ; 8
Et le sol m'a crié lui-même : « c'est assez. » 12
‒ Puisqu'il faudra toujours que quelque belle image 12
Enchante le peuple assemblé, 8
35 Voici le semeur, doux visage, 8
Qui jette devant lui, pacifique, le blé. 12
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