Métrique en Ligne
DLR_9/DLR822
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
V
CI-GÎT
LA SOMME
I
Cette plaine d'hiver infinie et muette, 12
C'est le champ de bataille à peine éteint encor, 12
Où, quatre ans, acharnée, a travaillé la mort 12
Dans une fange violette. 8
5 Armes, sacs, vêtements et casques déjà roux, 12
On voit traîner partout le spectre des armées. 12
‒ La tranchée et l'obus vous ont laissé leurs trous, 12
O terres mal famées ! 6
Cet arbre fracassé qui lève un bras au loin, 12
10 Attestant la tuerie immense de la Somme, 12
Semble crier au ciel : « Ici je suis témoin 12
Que l'homme a haï l'homme ! » 6
II
Je me promenais parmi vos tranchées 10
Et pleurais sur vous humblement, mon Dieu ! 10
15 Soldats, spectres errants des plaines desséchées 12
Par quatre ans de fer et de feu. 8
Mes pieds trébuchants heurtaient quelque casque 10
Boueux et rouillé comme les vieux sous, 10
Et je le ramassais en évoquant le masque 12
20 Humain qui palpita dessous. 8
Pour mieux affirmer la grande épouvante, 10
Partout se dressaient ces petites croix. 10
Et ma main reculait d'avoir touché, parfois, 12
Une grenade encor vivante. 8
25 ‒ O pauvres martyrs sanglotant vers moi, 10
O restes épars du crime terrible, 10
Je ne pouvais, hélas ! pour crier mon émoi, 12
Que répéter : « Est-il possible ! » 8
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