Métrique en Ligne
DLR_9/DLR801
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
II
L'AVENUE
TOMBEAU
Mon avenue au soir, je l'aurai tant aimée, 12
Avec ses hauts tilleuls rejoints, 8
Alors qu'elle devient funèbre et transformée, 12
Montrant son crépuscule aux coins, 8
5 Je l'aurai tant aimée en mai, lorsque ses branches 12
Ne sont que fraîche tendreté, 8
En Août, quand les grillons crient sous les huttes blanches 12
Le cri forcené de l'été, 8
Tant aimée, en automne où la grande nuit tombe 12
10 Au milieu de l'après-midi, 8
Que parfois un long rêve, un cher espoir me dit 12
Qu'un jour s'y étendra ma tombe. 8
Ce serait une pierre, une croix et c'est tout, 12
Gardant mon nom sous les ombrages. 8
15 Sur la pierre couchée et sur la croix debout 12
Se dessineraient des ramages. 8
Ce serait tout au bout, à la place où l'on voit 12
Ma frêle maison émouvante 8
Je serais seule là de même que vivante, 12
20 Et je serais toujours chez moi. 8
Pour ceux qui la verraient, ce ne serait pas triste. 12
Ils songeraient : « elle est si bien ! » 8
La mousse pousserait, et l'on entendrait rien 12
Qu'un petit oiseau qui persiste. 8
25 Je dormirais cachée, avec mes horizons 12
Entourant ma paix éternelle, 8
Ma ville dans le creux, et les quatre saisons 12
Sur mon repos battant de l'aile. 8
Au printemps, en été, quand fleurit le tilleul, 12
30 En automne, lente élégie, 8
Le soir ramènerait son obscure magie 12
Autour de ce tombeau tout seul. 8
On finirait par dire : « Elle est morte ; elle hante ! 12
Parfois elle revient la nuit ! » 8
35 Et je ne serais pas tellement différente 12
De ce que je suis aujourd'hui. 8
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