Métrique en Ligne
DLR_9/DLR793
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
II
L'AVENUE
CIMETIÈRE
Dans mes fenêtres que voilà, 8
J'ai la vallée et l'estuaire. 8
Mais plus proche est le cimetière. 8
J'ai vue aussi sur l'au-delà. 8
5 Je regarde dans l'autre monde. 8
Je n'y vois jamais rien bouger. 8
Nul fantôme qui me réponde, 8
Tout est calme comme un verger. 8
La mort apparaît végétale 8
10 A qui la contemple de près. 8
Je vois, minuscules forêts, 8
Des rosiers dont l'ombre s'étale. 8
Un if a dépassé la croix. 8
Un autre, parfois, la remplace. 8
15 De l'herbe est poussée à la place 8
Des beaux ornements d'autrefois. 8
Les pauvres dépouilles humaines, 8
Lorsque nul ne les soigne plus, 8
A l'abandon sous leurs talus, 8
20 Travaillent, patientes graines. 8
Ceux qu'on mit sous terre à six pieds 8
N'y restent pas toujours tranquilles. 8
Opiniâtres et fragiles, 8
Un jour ils sortent tout entiers. 8
25 Dans quelque rosier qui dévie 8
Ils remontent des profondeurs, 8
Et, par des feuilles et des fleurs, 8
Respirent de nouveau la vie… 8
J'ai compris pourquoi, quelquefois, 8
30 Dans l'ombre ou le soleil en fête, 8
Je demeure, croisant les doigts, 8
A renverser longtemps la tête, 8
Pourquoi, sans songes, sans amour, 8
Je reste, indifférente et close, 8
35 Dans le bien-être de la rose 8
Que je serai peut-être un jour. 8
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