Métrique en Ligne
DLR_7/DLR670
Lucie DELARUE-MARDRUS
A MAMAN
1920
II
DE PROFUNDIS
LES FUNÉRAILLES
Cette fête riche de fleurs, 8
Fête noire, maman, dont c'est toi l'héroïne, 12
D'un sanglot refréné nous remplit la poitrine. 12
Pauvre petit troupeau, dites toutes, mes sœurs ? 12
5 Ce char qui va, plein de lenteurs, 8
Pourquoi donc traîne-t-il tant de femmes en pleurs ? 12
Beau jardin d'été, cimetière, 8
Voici ta porte ouverte en triomphe pour nous. 12
Nous avons traversé la ville tout entière. 12
10 Paris a salué maman dans la lumière, 12
Et le matin était très doux 8
Pour la morte passant dans sa noire litière 12
Nous faut-il ainsi, pas à pas, 8
Te mener vers la terre où l'on descend si bas ? 12
15 De moi la plus petite à notre sœur l'aînée, 12
C'est de tes flancs, maman, que notre troupe est née, 12
Et nous ne te sauverons pas. 8
A l'heure du tombeau, dernière destinée ? 12
Le voici, mon Dieu, ce caveau ! 8
20 On l'a rouvert pour elle à côté d'un bel arbre. 12
Descendre là-dedans tandis qu'il fait si beau ! 12
Quelque chose s'éteint comme un dernier flambeau… 12
Amen ! Que dans l'ombre et le marbre 8
S'accomplisse l'horreur de la mise au tombeau 12
25 Du moins, sous la grande blessure, 8
Nous n'aurons pas fui, nous, comme les autres font. 12
Maman ! Maman ! Voici tous tes enfants en rond. 12
Nous nous penchons pour voir le cercueil jaune et long 12
Qui, par la dernière fissure, 8
30 Semble encore crier vers nos,visages : — « Non ! » 12
Maçons, maçons, allez moins vite ! 8
Vous ne savez donc pas que vous murez maman, 12
Que votre plâtre affreux, votre horrible ciment 12
Nous ferment à jamais la porte de son gîte ? 12
35 … Maman !… Oh ! la pauvre petite !… 8
— Allons-nous en, mes sœurs. C'est fait. Allons-nous en. 12
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