Métrique en Ligne
DLR_7/DLR666
Lucie DELARUE-MARDRUS
A MAMAN
1920
II
DE PROFUNDIS
VISAGES
Le frisson m'est resté jusqu'en chaque vertèbre 12
Morte !… Et, subitement, voici, comme par jeu. 12
Que, rajeunie et rose, on croit, fardée un peu, 12
Qu'elle est une marquise ancienne et funèbre 12
5 Pourtant je sais bien, moi, que mes derniers baisers 12
S'étonnaient, pour finir, de changements fantasques 12
Et de voir un à un apparaître les masques 12
De tant d'êtres divers, cachés, superposés 12
M'a-t-elle révélé son âme aux sept visages, 12
10 Moi sa fille-poète assise à son côté ? 12
Me faisait-elle lire enfin toutes ses pages 12
Avant de s'endormir pour une éternité ? 12
Sans doute au lit de mort, martyre ravagée, 12
A-t-elle reproduit des figures d'aïeux. 12
15 Qui donc étaient ces gens ?… Qui cette femme âgée 12
Qui ce jeune homme ? Et gui cette enfant aux grands yeux ? 12
Pour finir, cette face étrange d'agonie 12
Formidable, vraiment, toujours je la verrai, 12
Et l'horreur de la maigre et vivante momie, 12
20 Et ces yeux, et ces yeux, regard désespéré 12
Et, lorsqu'il a fallu qu'elle s'arrachât l'âme, 12
Quand l'effort inouï crispa ses pauvres traits, 12
A jamais j'entendrai les trois grands cris muet 12
Qui forcèrent les coins de sa bouche de femme 12
25 Pourquoi donc tout à coup ce -visage qui ment ? 12
L'effort est fini, certe, et l'âme est arrachée. 12
Mais, devant cette morte adorable couchée, 12
Sombrement je me dis : « Ce n'est pas vrai, maman ! » 12
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