Métrique en Ligne
DLR_7/DLR664
Lucie DELARUE-MARDRUS
A MAMAN
1920
II
DE PROFUNDIS
BERCEUSE FUNÈBRE
Endors-toi, maman, voici l'agonie. 10
Abandonne-toi sur l'oreiller clair. 10
Ferme tes grands yeux lassés d'insomnie, 10
Dors ! Repose-toi d'avoir tant souffert 10
5 Lorsque vient la nuit, il faut que l'on dorme. 10
Tu les jalousais, ceux qu'un philtre endort. 10
Mieux que par morphine et par chloroforme, 10
Voici le sommeil de la bonne mort 10
Tu la demandais, elle était ton havre, 10
10 Tu la poursuivais de tes vœux constants. 10
Endors-toi, maman ! Dans quelques instants 10
Tu ne seras plus qu'un petit cadavre 10
Endors-toi, maman ! croise tes deux mains, 10
Ferme tes deux yeux pendant que je pleure 10
15 Endors-toi, maman ! Tu vas, tout à l'heure, 10
Quitter à jamais les tristes humains 10
Endors-toi, maman ! Dans le jour qui baisse, 10
Tu vas devenir un spectre nouveau. 10
Endors-toi, maman, car voici la messe, 10
20 Le grand cimetière et l'étroit caveau 10
Endors-toi, maman ! Au temps de l'enfance, 10
Tout en nous chantant tu nous endormais. 10
Oh ! que de fatigue ! Oh ! que de souffrance ! 10
Tu peux, maintenant, dormir à jamais 10
25 Mère au vaste cœur, vieillie, épuisée, 10
Tu l'as bien gagné de mourir enfin ! 10
Sur ton pauvre lit de martyrisée, 10
Endors-toi, maman, car voici la fin 10
Endors-toi, maman ! Seule je t'assiste. 10
30 Je suis là. C'est moi, ta dernière enfant. 10
Mon cœur, jusqu'au bout, t'aime et te défend, 10
Endors-toi, maman au regard si triste 10
Endors-toi, maman, courage vaincu, 10
Charmante maman si modeste et sage. 10
35 Endors-toi, maman, cher petit visage. 10
In pace, maman ! Meurs d'avoir vécu. 10
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