Métrique en Ligne
DLR_7/DLR663
Lucie DELARUE-MARDRUS
A MAMAN
1920
II
DE PROFUNDIS
LAMENTO
Que le voile du deuil couvre à jamais de noir 12
Mon âme immensément amère. 8
Oh ! pourquoi donc, hélas ! ai-je connu le soir 12
Oui ai vu se mourir ma mère ? 8
5 Pourquoi donc ai-je vu ce fragile être humain 12
Dans l'ombre devenir fantôme ? 8
Son cœur s'est arrêté de battre dans ma main. 12
Je le sens toujours sous ma paume 8
Le jour tombait ; et moi je regardais ses yeux 12
10 Qui n'en pouvaient plus de souffrance 8
Et je voyais mourir devant moi mon enfance 12
Et tout le passé merveilleux 8
Il faut, quand l'âge vient, que notre mère meure, 12
On me l'a dit, on me l'a dit. 8
15 Mais moi, sans rien savoir, à jamais je la pleure 12
Comme une mère son petit 8
Certes, la vie, avec tout ce qu'elle a qui navre, 12
M'a fait respirer son parfum. 8
Mais quand, la veille encore, on adorait quelqu'un, 12
20 Être la fille d'un cadavre ! 8
Ses yeux, ses larges yeux qui regardaient sans voir, 12
Qui sombraient au fond de la terre ! 8
Oh !pourquoi donc, hélas ! ai-je connu le soir 12
Où j'ai vu se mourir ma mère ? 8
25 Est-ce ordre naturel et justice, vraiment, 12
Qu'il faille que cette heure sonne ? 8
Ne plus jamais, jamais dire ce mot : « Maman » 12
N'être plus l'enfant de personne 8
J'en atteste mon âme ivre de désarroi : 12
30 Je dis qu'elle est morte trop vite. 8
Moi, je n'ai pas d'enfant. Elle était ma petite 12
Et je la berçais contre moi 8
Dans mon cœur sanglotant, qu'est-ce qui fera taire 12
L'irréparable désespoir ? 8
35 Oh ! pourquoi donc, hélas ! ai-je connu le soir 12
Où j'ai vu se mourir ma mère ? 8
Tout mon cœur était pris par ses gestes touchants 12
Pourquoi ne l'ai-je pas suivie ? 8
Il me faut vivre encor la moitié de ma vie, 12
40 Et, partout, les gens sont méchants 8
Il me reste à présent sa tombe entre des tombes… 12
Sous ce reposoir anguleux, 8
Au fond du cimetière où chantent des colombes, 12
Dorment à jamais ses grands yeux 8
45 Jusqu'au jour de gésir comme elle sous la pierre, 12
Je ne dois plus jamais la voir. 8
Oh ! pourquoi donc, hélas ! ai-je connu le soir 12
Où j'ai vu se mourir ma mère ? 8
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