Métrique en Ligne
DLR_6/DLR659
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VIII
DEUILS ROUGES
LES FUNÉRAILLES DU SOLDAT
Tu n'étais qu'un petit soldat, un gas honnête 12
Qui courait en chantant au feu. 8
Tu partais pour tuer, tout en rêvant un peu, 12
Et sans doute une fleur ornait ta baïonnette. 12
5 Pauvre petit ! Te voici mort aux premiers pas 12
Vers l'épouvantable frontière. 8
Agonisant d'hier, dors ! Tu ne sauras pas 12
Quel honneur te fut fait par une ville entière. 12
Toi qui vins achever de trépasser chez nous, 12
10 Nous t'avons mené, tête basse, 8
Au lit où nul des tiens ne pliera les genoux. 12
Humble étranger, jeune homme obscur, ô notre race ! 12
Le drapeau de la France entourait ton cercueil, 12
D'autres frissonnaient sur nos têtes. 8
15 Et les fleurs que l'on voit dans les deuils et les fêtes 12
Parfumaient ton départ vers le funèbre seuil. 12
Et les tambours voilés et les clairons de guerre 12
Sonnaient et battaient pour ta mort, 8
Et la fosse béante ouverte dans la terre, 12
20 Vit des mains et des mains te bénir sur le bord. 12
Les tiens n'étaient pas là ; mais de toutes leurs larmes, 12
Les femmes ont pleuré sur toi, 8
Car tu représentais les camarades d'armes, 12
Fils, frères et maris, partis si loin du toit. 12
25 Tu n'étais qu'un petit soldat. Tes funérailles 12
Ont été celles d'un grand chef. 8
Ainsi réparons-nous le suprême grief 12
De ceux qui, sans tombeau, meurent dans les batailles. 12
Tu n'étais qu'un petit soldat. Repose en paix. 12
30 Nous t'aurons entouré de gloire. 8
Repose en paix. Le cri strident de la victoire 12
Va pénétrer bientôt dans ton cercueil épais. 12
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